Le limogeage brutal du patron de la PJ de Marseille le vendredi 7 octobre dans l'après-midi par le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a mis le feu aux poudres. Les services d’enquêtes de Toulouse, Bordeaux, Limoges, Rennes, Nantes, Avignon, Nîmes, Angers, Brest, Perpignan, Bayonne Caen et Montpellier, qui couvrent chacun un ou plusieurs départements, ont décidé de lever le pied en signe de solidarité avec leurs collègues marseillais, selon des informations confirmées par RTL.
Les "pjistes", surnom donné aux enquêteurs de la PJ, réitèrent par ce geste inédit leur opposition à la réforme annoncée par Gérald Darmanin. Concrètement cela signifie que des centaines d’enquêteurs de l’OFAST (anti-stup), des brigades criminelles et financières (ecofi) ou des brigades de répression du banditisme vont reporter à plus tard les auditions, perquisitions ou interpellations prévues dans la semaine. Sauf cas d’urgence ou de mise en danger d’une enquête. Les "pjistes" resteront donc au bureau pour gérer les permanences.
Les policiers n'ont pas le droit de grève et sont tenus de répondre aux réquisitions des magistrats le cas échéant, rappelle une source au sein de la direction générale de la police nationale. Mais le mouvement de fronde est conduit en accord avec les juges et procureurs concernés, selon plusieurs enquêteurs de PJ mobilisés, qui consultent les magistrats avant chaque report d'opération. Ces reports massifs devraient durer toute la semaine, au moins jusqu’à la mobilisation du lundi 17 octobre, jour ou des rassemblements sont prévus partout en France à l’appel de l’Association nationale de la police judiciaire (ANPJ) créée cet été pour contester la réforme de la PJ.
Dans plusieurs départements les services concernés ont fait circuler des photos des armes de services massivement déposées dans les services. Plusieurs enquêteurs concernés soulignent par ailleurs que le mouvement se veut responsable et qu’il n’est pas question de laisser des criminels agir ou filer dans la nature. Mais la PJ, un service traditionnellement solidaire et ancré dans une histoire ancienne, ne veut pas laisser passer l’épisode Marseillais. Ses membres estiment à une très grande majorité se battre pour la survie de la police spécialisée crée par Georges Clémenceau en 1907, alors ministre de l’Intérieur, pour mieux combattre le grand banditisme.
Ce week-end, Gérald Darmanin a soufflé le chaud et le froid. D’une main, le locataire de la place Beauvau a semblé prêt à des concessions dans une lettre diffusée à l’ensemble des 5.900 personnels de la Direction centrale de police judiciaire qui stipule que des services à compétence inter-régionale seront maintenus pour les enquêtes concernant la criminalité organisée et les atteintes à la probité par les élus. La réforme prévoit une départementalisation quasi-complète de la police sous la houlette des préfets, ce qui inquiète les enquêteurs spécialisés, leurs patrons et de nombreux magistrats qui l’ont fait savoir publiquement.
De l’autre main, le ministre de l'intérieur a assumé dans une interview au Parisien le limogeage d’Eric Arella, le patron de la PJ Marseille, après la haie d’enquêteurs en colère qui avait accueilli la veille le directeur général de la police Frédéric Veaux venu présenter la réforme, et évoqué de nouvelles sanctions contre les policiers mobilisés.
Quel sera sa réaction à l'amplification du mouvement de contestation ? Le ministère de l’Intérieur n’a pas souhaité commenté ce soir, auprès de RTL, le report massif des opérations par les enquêteurs.