Pour Samia, tout a commencé par une interpellation, en mars dernier, pour infraction sur les stupéfiants. La jeune fille de 16 ans se fait alors saisir de la drogue par les policiers et contracte du même coup une dette de 900 euros auprès de "B2", surnom de son fournisseur présumé. L’adolescente est remise en liberté sous contrôle judiciaire.
Quelques semaines plus tard, début avril, "B2" vient se rappeler à son bon souvenir. Pour honorer sa dette, elle affirme que le malfrat lui "ordonne la mission de commettre des incendies sur des véhicules" sur le parking du centre de détention de Tarascon, d’après des éléments d’enquête de la sous-direction antiterroriste (SDAT) de la police judiciaire consultés par RTL.
Pour organiser l’action, le donneur d’ordre crée un groupe Signal où apparaissent trois autres personnes sous les pseudos "13K", "14K" et "Samsa". Samia parle du projet à sa sœur qui tente de la dissuader avant de finalement décider de l’accompagner. Tout est planifié, organisé, et le 16 avril, en pleine nuit, une Clio noire avec deux hommes à l’intérieur vient chercher les sœurs à Marseille, où elles résident, à un point de rendez-vous fixé à l’avance.
À l’arrivée à Tarascon, vers 5h du matin, un jerrican d’essence est fourni à Samia qui enlève ses chaussures et franchit avec l’aide de sa sœur un premier puis un deuxième grillage. Elle répand alors de l’essence sous trois véhicules stationnés et met le feu. Dans sa fuite, pressée par les convoyeurs, la jeune incendiaire abandonne ses chaussures et une doudoune. Sommée de signer l’action "DDPF", le nom du groupe qui revendique depuis le 13 avril la vague d’attaques sur les établissements et le personnel pénitentiaire, elle s’en trouve incapable ayant oublié de prendre un marqueur, ce qu’elle expliquera aux policiers.
Un ADN est vite isolé qui conduit à l’interpellation de l’adolescente qui reconnaît très vite les faits. Face aux policiers, la suspecte détaille l’organisation du groupe Signal et notamment le pseudo du réel commanditaire : "Prigojine". "B2" joue pour sa part le rôle d’intermédiaire. L’Office central de lutte contre la criminalité organisée (OCLCO) de la police judiciaire, qui a repris la coordination de l’enquête après l’abandon de la qualification terroriste, tente toujours d’identifier qui se dissimulait derrière ces surnoms numériques.
Un schéma d’organisation que l’on retrouve dans la plupart des attaques. Pour l’incendie de la porte de la maison d’arrêt de Luynes, dans la nuit du 14 au 15 avril, Y. R., lui aussi confondu par un ADN retrouvé dans la voiture l’ayant conduit sur les lieux, explique aux enquêteurs avoir été recruté une semaine avant les faits, là encore sur un groupe Signal. 5.000 euros pour incendier une des portes de la maison d’arrêt d’Aix-en-Provence et tagger "DDPF", pour "Droit des prisonniers français". À Marseille, où il se rend en train, Y.R. voit mettre à sa disposition un véhicule avec un chauffeur, des gants, et un jerrican d’essence. On le fait même passer à Aubagne récupérer un fusil à pompe pour tirer sur la porte, une arme qui ne sera finalement pas utilisée.
Quant à l’incendie et le mitraillage de deux pavillons à Villefontaine, le 18 avril et 21 avril, dans un quartier où habitent de nombreux surveillants pénitentiaires, là encore un des suspects confessera avoir été associé à un groupe Signal "Attaquants" plusieurs jours avant avec une promesse de rémunération de 1.500 euros et la demande de taguer "DDPF". Surnom du commanditaire : "Poutine". Encore une fois c’est l’amateurisme des exécutants qui conduit à leur interpellation grâce à un ADN retrouvé sur des gants abandonnés sur place.
Marseille, Valence, Nîmes, Réau, Nanterre : dans tous les dossiers des attaques de prison on retrouve la même division du travail et des rôles, commanditaire, donneur d’ordre local et petites mains. Avec un individu central, considéré par les enquêteurs comme l’instigateur du groupe "DDPF" et de la vague d’attaques, Imran A.. Un suspect âgé de 23 ans, et déjà détenu à la maison d’arrêt d’Avignon Pontet pour son implication présumée comme logisticien dans deux règlements de compte sanglants commandités par le groupe criminel marseillais DZ Mafia.
Lors de sa garde à vue, Imran A. a reconnu la création du canal "Droit des prisonniers français" sur Telegram, mais en affirmant dans un premier temps qu’il voulait uniquement manifester son désaccord avec la nouvelle politique pénale de Gérald Darmanin, sans cautionner aucune violence. Une position qui a finalement évolué au cours des auditions, Imran A. se présentant comme un “simple exécutant” dans la vague d’agressions et de dégradation signées "DDPF", son rôle se limitant à être chargé de la médiatisation des actions par deux commanditaires dont le petit soldat de DZ mafia affirme ne connaître que les pseudos sur Signal, "Diego" et "Koala".
Un des aspects marquants des éléments d’enquête consultés par RTL reste que plusieurs suspects assurent avoir été contactés une semaine avant les principaux faits, du 13 au 16 avril. Or le canal Telegram "DDPF" n’a été créé que le 12 avril par Imran A. Ce qui semble consolider le fait que des commanditaires hauts placés ont soigneusement planifié la vague d’attaques et la division en petites cellules opérationnelles.
L’enquête préliminaire a identifié pour l’heure quatre intermédiaires, des "donneurs d’ordres" ayant relayé les ordres DDPF. L’un d’eux se fait appeler "Poutine", un pseudo que l’on retrouve dans plusieurs attaques et attribué à un détenu actuel d'Aix-Luynes, qui conteste toute implication. L’enquête est désormais coordonnée par l’Oclco, sous la direction de juges d’instruction de la Junalco, la Juridiction nationale de lutte contre le crime organisé. À ce jour 21 personnes, dont deux mineurs, ont été mises en examen.
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