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Amine Kessaci et sa mère, le 22 novembre à Marseille
Crédit : CLEMENT MAHOUDEAU / AFP
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Pour Philippe Pujol, auteur d'une vaste enquête sur les quartiers nord de Marseille intitulée La Fabrique du monstre, l’évolution la plus marquante de ces dix dernières années est claire : l’ultra-violence ne concerne plus seulement des réseaux structurés, mais frappe désormais les plus jeunes. "Ça frappe des très jeunes et souvent ces jeunes sont les auteurs de ces homicides particulièrement sordides", explique-t-il. Selon lui, ce n’est pas la délinquance qui se rajeunit – elle recrute toujours autour de 14 ou 15 ans – mais bien les homicides eux-mêmes. Les adolescents sont à la fois victimes et exécutants.
La découverte, il y a quelques jours, du corps carbonisé d’un garçon de 15 ans dans les quartiers nord vient renforcer ce constat glaçant. Et ce malgré l’onde de choc provoquée par l’exécution de Mehdi Kessaci, âgé de 18 ans, mi-novembre.
La mort de Mehdi Kessaci n’a pas mis fin à la spirale meurtrière. Et pour Philippe Pujol, il ne pouvait en être autrement. "Un changement sur un problème aussi ancien et profond ne peut pas se faire du jour au lendemain", rappelle-t-il.
Il évoque un possible électrochoc chez les décideurs – politiques nationaux, élus locaux, acteurs de la justice. Mais la perspective d’une action immédiate capable de stopper les homicides lui paraît illusoire. "Je ne suis pas certain qu’il puisse y avoir quelque chose aussi rapidement."
Le meurtre de Mehdi, que les enquêteurs considèrent comme un crime d’avertissement destiné à atteindre son grand frère Amine Kessaci, militant anti-drogue très exposé, a pourtant suscité une émotion rare à Marseille. Mais pas de sursaut collectif. "Les stars ne se sont pas réunies. C’est un peu décevant", regrette Pujol. Avant de contrebalancer. "Après, les rappeurs peuvent être menacés, même si ça n’empêche pas de poster une story."
Contrairement aux idées reçues, Philippe Pujol insiste : Marseille n’est pas un narco-État. Rien à voir avec le Mexique ou la Colombie où les cartels structurent des pans entiers de la société. "Ici, c’est de la vente d’un produit final au détail. On est très loin du niveau du Mexique."
Ce qu’il observe, en revanche, c’est une fragmentation du marché. Des grossistes fournissent les cités qui ont des employés, qui emploient à leur tour de très jeunes "intérimaires". Chaque niveau fonctionne de manière indépendante, mais celui qui concentre le plus de monde est aussi le plus dangereux : les jeunes vendeurs de rue. "Ils gagnent de l’argent qu’ils ne partagent pas. Donc il y a beaucoup de concurrence. C’est là précisément que ça s’entretue. On a laissé ce terrain aux jeunes."
À la tête de certains réseaux, une "marque" domine : la DZ Mafia. Déjà présente sous d’autres noms depuis 2013, la bannière DZ s’impose à partir de 2020. Une marque parmi d’autres – Yoda, La Frappe, les CDD – qui fonctionne comme un système de franchise. "Une cité peut prendre le nom de DZ Mafia sans appartenir au noyau dur, explique Pujol. Les vrais bandits sont peu nombreux, puissants, armés. Les autres sont des employés, voire des intérimaires. On ne peut pas parler de mafia au sens strict."
Pour sortir de l’engrenage, Philippe Pujol évoque une piste prioritaire : le retour massif de services publics dans les quartiers les plus abandonnés. Écoles, accompagnement éducatif, structures d’aide : autant de dispositifs qui ont reculé ces dernières années.
Il pointe du doigt les responsabilités locales, et notamment celles de Martine Vassal, présidente du conseil départemental des Bouches-du-Rhône, qu’il accuse d’avoir coupé des subventions à certaines associations au profit "de ronds-points ou de salles des fêtes".
"Les chiffres le montrent : chute des aides, dont l’aide aux devoirs qui pourrait aider les gamins et les éloigner du réseau. Ceux qui avaient 5 ans en 2015 ont aujourd’hui 20 ans. Ça ne veut pas dire que Vassal est responsable, mais il faut prendre conscience que certaines actions alimentent le trafic."
Amine Kessaci, profondément touché par l’assassinat de son petit frère Mehdi, "hésite encore pour la suite", confie Philippe Pujol. "Pour le moment, il est en deuil."
Le procès des assassins présumés de leur grand frère Houssam, tué fin 2020 avec deux autres jeunes hommes près de Marseille, se tiendra au printemps prochain : du 19 octobre au 6 novembre 2026. Le dossier a été inscrit en priorité, a indiqué le procureur général d’Aix-en-Provence à l'AFP, compte tenu du volume exceptionnel d’affaires de criminalité organisée en attente.
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