Le géant du porno amateur français dans la tourmente. Le site "Jacquie et Michel" est visé par une enquête pour viols, séquestration, proxénétisme et traite d'êtres humains depuis le 10 juillet 2020, qui a conduit à l'interpellation et au placement en garde à vue du propriétaire du site, Michel Piron, et de quatre autres personnes, dont son épouse et trois acteurs, mardi 14 juin. Selon les informations de RTL, sept victimes ont été identifiées par les enquêteurs de la police judiciaire parisienne. Âgées de 35 à 51 ans, elles ont toutes porté plainte. Des informations confirmées par le parquet de Paris.
Cette procédure trouve sa source dans un signalement effectué par les associations Osez le féminisme, les Effronté-es et le mouvement du Nid au parquet de Paris. Elle se base sur les témoignages de plusieurs actrices assurant avoir été contraintes à avoir des pratiques sexuelles "hors normes et douloureuses" alors qu'elles n'étaient pas consentantes.
Dans une vidéo publiée sur le site Konbini, une actrice amateure expliquait notamment : "J’avais dit : 'Pas d’anal', on m’a proposé de le faire, j’ai dit non […] et pendant l’une des scènes, ils ont quand même essayé contre mon gré". "T’as peur, vraiment, t’oses pas dire non, t’es devant la production, les acteurs, et t’es complètement seule. Donc non, tu dis pas non."
"Il y a eu une double pénétration vaginale de laquelle je n’avais pas été prévenue avant", confiait une autre femme. "J’ai eu le réflexe de dire non, puis il m’a dit : 'T’inquiète pas, ça va rentrer.' […] Il y avait des cailloux partout, moi, j’étais à 4 pattes, j’avais presque les genoux en sang, j’étais vraiment pas à l’aise pour faire ça".
Fondée en 1999, l'entreprise Jacquie et Michel s'est imposée au fil des ans comme l'incarnation du porno amateur français avec son modèle de vente de vidéos amateurs à petits prix, au point de concurrencer aujourd'hui le groupe Dorcel, l'un des leaders de l'industrie pornographique. Elle est aujourd'hui visée par de multiples accusations de la part d'actrices ayant travaillé sur ses tournages, qui dénoncent des entorses au consentement et au droit du travail.
Dans un livre intitulé Judy, Lola, Sofia et moi (Ed. Goutte d'Or, 2018), le journaliste Robin d'Angelo, qui a infiltré l'industrie pornographique française pour mettre en lumière ses coulisses sordides, expliquait notamment que les actrices ne signaient pas de contrat de travail mais seulement une cession de droit à l'image pour des sommes inférieures à 300 euros. Il racontait aussi comment les acteurs pouvaient être amenés à "trouver de nouvelles filles et être rémunérés pour ça" afin "d'avoir beaucoup de scènes", une pratique pouvant relever du proxénétisme.
Le site pornographique est aussi au coeur d'une autre procédure pour avoir hébergé des vidéos de la plateforme "french bukkake", un autre site amateur visé par une enquête ouverte en septembre 2020 dans laquelle une dizaine de producteurs et d'acteurs ont été mis en examen pour viols en réunion, traite d'êtres humains et proxénétisme et pour laquelle une cinquantaine de victimes ont déjà été recensées.
Après les révélations sur les violences et pratiques imposées lors des tournages, plusieurs grands groupes français du secteur, comme "Jacquie et Michel" et Dorcel, avaient annoncé en novembre 2020 leur volonté d'adopter des chartes éthiques et déontologiques.