Pour Dieudonné, c'était le jour de vérité. L'humoriste devait débuter sa tournée à travers l'Hexagone par une première représentation de son spectacle polémique, Le Mur, au Zénith de Nantes.
Mais au terme d'un après-midi rythmé par les procédures judiciaires, le Conseil d'État a donné raison au gouvernement en invalidant la décision du tribunal administratif de Nantes, qui avait autorisé le spectacle de l'humoriste, interdit mardi par un arrêté préfectoral. Retour sur une journée riche en rebondissements et en enseignements juridiques.
La nouvelle est tombée en fin de matinée. Saisi en référé par les avocats de l'humoriste, le tribunal administratif de Nantes a suspendu l'arrêté du préfet de la Loiresuspend l'arrêté du préfet de la Loirequi interdisait la représentationdu spectacle de Dieudonné. Selon la juridiction, le spectacle "ne peut pas être regardé comme ayant pour objet essentiel de porter atteinte à la dignité humaine". Le tribunal a également indiqué qu'il n'est pas "établi" que le spectacle soit construit autour de "propos provocants et choquants" à l'égard de "faits historiques comme à l'encontre de personnes de la communauté juive
Les juges ont estimé aussi que Le Mur, qui "apparaît comme la reprise, dans le cadre d'une tournée, du même spectacle présenté depuis plusieurs mois sur la scène parisienne, n'a pas donné lieu, au cours de cette période, à des troubles à l'ordre public". Autant d'éléments qui poussent le tribunal à considérer que "le risque de troubles publics causés par cette manifestation pour lesquels il n'est pas établi que le préfet ne disposait pas des moyens nécessaires au maintien de l'ordre public ne pouvait fonder une mesure aussi radicale que l'interdiction de ce spectacle". Dieudonné 1, Manuel Valls 0.
De fait, ce jugement emboîte le pas aux précédentes décisions de justice relatives aux spectacles de l'humoriste. Jusqu'ici, les tribunaux ont toujours estimé que le risque de désordre public brandi pour justifier l'interdiction préventive d'une réunion publique - en l'occurrence le spectacle de Dieudonné -, n'était pas suffisamment marqué pour en interdire la tenue en amont, au nom de la garantie de la liberté d'expression et de réunion.
Dans cette perspective, Jack Lang a d'ailleurs assuré au micro de RTL que la décision rendue par le tribunal de Nantes était "conforme à la tradition de notre jurisprudence" et à celle "du Conseil d'État depuis 1932".
"La loi et la jurisprudence disposaient jusqu'à présent qu'on ne peut
interdire une manifestation ou un spectacle que s'il y a une menace contre
l'ordre public vis-à-vis de laquelle les pouvoirs publics sont empêchés
d'agir", a assuré l'ancien ministre de la Culture.
Nargué par l'humoriste, qui n'a pas manqué de se fendre d'un tweet à l'adresse du ministre de l'Intérieurpour se féliciter de la décision du tribunal, Manuel Valls a saisi immédiatement le Conseil d'État en appel pour contester l'ordonnance. Une audience en référé est prévue quelques heures à peine après la décision rendue par le tribunal administratif de Nantes. Rendez-vous est pris pour 17 heures.
De fait, une saisine aussi rapide du Conseil d'État est rarissime. "C'est du jamais vu ou presque. À ma connaissance, il n'y a qu'un seul précédent où le Conseil d'État est intervenu aussi rapidement : l'affaire de Canal en 1962, qui concernait une condamnation à mort. Si ça se passe comme ça, c'est que le ministère de l'Intérieur avait pris attache auprès du Conseil d'État", estime sur FTVi, Serge Slama, maître de conférences en droit public à l'Université Évry-Val-d'Essonne.
Une rapidité d'exécution que n'a pas manqué de dénoncer Jacques Verdier, l'un des avocats de Dieudonné. "Pour faire en sorte qu'une audience soit
prévue à 17h alors qu'une
décision a été rendue à 14h30 sur des choses d'une telle importance
que le spectacle de Dieudonné, il me
semble très clair qu'il y a eu des pressions. Il y a des choses qui se
passent et ces choses-là sont anormales", s'est indigné l'avocat devant
la presse.
Le couperet est tombé peu après 18h30. La plus haute instance administrative du pays a annulé l'ordonnance prise par le tribunal administratif de Nantes en fin de matinée. Une première pour les spectacles de l'humoriste-polémiste accusé d'antisémitisme.
Le Conseil a estimé "que la réalité et la gravité des risques de troubles à l'ordre public mentionnés par l'arrêté du préfet étaient établis tant par les pièces du dossier que par les échanges de l'audience publique".
Selon le ministère de la Justice, joint par RTL, c'est "la répétition des propos antisémites de Dieudonné qui a justifié cette décision". "Le contenu du spectacle est connu et je dirais même que l'on est dans
une surenchère", avait dit, à l'audience, la représentante du ministère
de l'Intérieur. Par cette décision, le Conseil d'État valide et conforte le cadre donné par la circulaire de Manuel Valls.
Avant cette seconde décision de justice, Jack Lang avait évoqué au micro de RTL un possible "revirement de jurisprudence" du Conseil d'État. La tonalité est la même pour Richard Malka, qui parle d'une "décision qui fera jurisprudence". Interrogé par Sud Ouest, l'avocat de Radio France dans le dossier qui l'oppose à Dieudonné après ses propos envers le journaliste Patrick Cohen, a estimé qu'il ne faisait pas de doute qu'elle "s'appliquera à tous les aspects des tribunaux administratifs qui seront saisis".
Pour leur part, les avocats de Dieudonné s'en sont tenus à la ligne défendue depuis l'annonce de la saisine du Conseil d'État par Manuel Valls. "C’est
très clairement me mettre dans l’impossibilité totale et absolue de faire le
trajet de Nantes à Paris et de pouvoir plaider devant le Conseil d’État, alors que
je suis l’avocat de Dieudonné depuis 2006 et que j’ai donc l’ensemble des
éléments en ma possession, que j’ai l’ensemble de tout l’argumentaire que j’ai
développé utilement ce matin devant le juge administratif. Ce n’est pas pour
rien que j’ai gagné devant le juge administratif", a regretté Jacques Verdier sur BFM TV.
Tous les regards sont désormais tournés vers les villes de Tours et d'Orléans, où des arrêtés d'interdiction ont été pris
pour les représentations prévues vendredi et samedi.
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