En ce printemps 1984, tout semblait sourire à Marvin Gaye, après des années passées au creux de la vague, le roi de la soul music, auteur de 200 titres, effectuait un spectaculaire comeback dont il ne profitera pas. À la veille de son 45e anniversaire, on le retrouve mort, tué de deux balles chez lui à Los Angeles.
Un crime ahurissant et incompréhensible car c'est son propre père, Marvin Senior, qui a fait feu sur son fils. "Les deux ont un rapport très complexe depuis la toute prime jeunesse de Marvin Gaye. Les deux ont une très mauvaise entente", explique Fabrice Epstein, avocat et invité de L'Heure du crime.
L'enquête va alors plonger dans les coulisses d'une histoire familiale qui cache des détestations, des jalousies. On va se demander pourquoi le révérend Gaye, homme de Dieu, a abattu son fils et s'interroger sur le véritable scénario de ce filicide, un parent qui tue un enfant qui était devenu un homme.
Les enquêteurs se penchent rapidement sur les rapports très sombres entre le père et le fils. Dans une interview, Marvin Gaye, enfant battu par ce pasteur rigoriste et autoritaire, a un jour déclaré : "À l’âge de douze ans, il n'y avait pas un centimètre de mon corps que mon père n'avait pas frappé".
Dans ce climat délétère, l'installation du père dans la maison de Los Angeles aurait agi comme un détonateur. "Le moment où il décide de venir se rapatrier à Los Angeles, c'est probablement là que se précipite des choses qui préexistaient, c'est-à-dire des relations tendues, une violence de Marvin Gaye fils qui s'est développée au fil des derniers mois" estime Frédéric Adrian, journaliste, spécialiste de musiques populaires afro-américaines et invité de L'Heure du crime.
Une autre théorie se précise derrière ce scénario et cette histoire familiale chaotique, celle d'un suicide par procuration. Marvin Gaye avait tenté de se suicider à deux reprises avant le drame.
"La sœur de Marvin Gaye dit finalement que cette façon de provoquer le père et de se faire tuer résout un certain nombre de problèmes. C'est la fin des souffrances pour Marvin Gaye mais c'est aussi une sorte de renvoi d'appareil au père qui lui a causé des problèmes toute sa vie pour lui faire vivre avec cette horreur, c'est-à-dire la mort d'un fils", raconte Fabrice Epstein.
En 1984, Marvin Gay Senior, qui risquait jusqu'à treize ans de prison pour meurtre simple, est condamné à six ans de prison avec sursis et cinq ans de probation pour les coups de feu. Le juge indique qu'imposer des années de prison ferme à cet homme âgé et en mauvaise santé équivaudrait à le condamner à mort.
- Fabrice Epstein, avocat et auteur du livre Black music justice - Une histoire judiciaire des musiques noires aux éditions de La Manufacture de livres.
- Frédéric Adrian, journaliste, spécialiste de musiques populaires afro-américaines et auteur de la première autobiographie de Marvin Gaye en français: Marvin Gaye, publiée aux éditions du Castor Astral.
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