Affaire Léa Marmignon : l'aide sociale à l'enfance a-t-elle une responsabilité dans le meurtre de l'enfant ?

Le 21 mai 2018, Alain Marmignon retrouve le corps de sa petite-fille, Léa, deux ans et demi, immergé dans la petite rivière située au fond du jardin de la maison familiale à Mairieux dans le Nord. Le corps de la fillette présente 22 plaies causées par un outil de jardinage, ainsi que des traces de strangulation. "J'ai plongé dans la rivière et j'ai ramassé malheureusement le corps de Léa ensanglanté. C'était pas beau à voir", raconte Alain dans Enquêtes Criminelles. 

Le responsable de cette scène de crime extrêmement violente n'est autre que Fabien, un adolescent placé chez les grand-parents de Léa. Le jeune homme y vivait depuis trois ans. Dès son arrivée dans la famille d'accueil, Fabien se montre agressif, voleur, menteur. Il est difficile à contenir. Le couple Marmignon est même obligé d'installer une caméra de surveillance dans sa chambre car il avait déjà tenté de mettre le feu à la maison. 

Pourtant, l'aide sociale à l'enfance (ASE) avait affirmé que Fabien n'avait "pas de pathologie grave, juste des petites crises d'épilepsie", rapporte Alain. Selon le service public du département, il ne fallait pas que le couple s'inquiète car l'adolescent était traité médicalement. Mais la réalité est loin d'être aussi simple. "Quand il arrive chez le couple Marmignon, il a des difficultés pour s'exprimer, il parle de façon saccadée, il se gratte jusqu'au sang. C'est vraiment un gosse qui a d'énormes difficultés et qui va poser au fur et à mesure d'énormes problèmes au couple Marmignon", explique Michel Mary, chroniqueur judiciaire.

"Ça va passer"

Les Marmignon disent que pendant les trois années que Fabien a passé chez eux, ils n'ont cessé d'alerter les services sociaux, signalant notamment des déviances d'ordre sexuel. Mais la référente en charge du dossier de l'adolescent de 14 ans aurait eu une réponse plutôt surprenante : "Il faut absolument qu'il découvre sa sexualité, ça va se passer".  

Pour la famille Marmignon, l'inquiétude se transforme en une angoisse de tous les instants. Il faut écarter le danger, se séparer de Fabien, mais le couple se retrouve dans une situation inextricable. S'ils démissionnent en tant que famille d'accueil, ils perdent la garde de tous les autres enfants, chose qu'ils ne veulent pas. 

Aujourd'hui, les Marmignon en veulent à l'ASE de ne pas avoir réagi. D'autant que Fabien avait déjà fait l'objet de signalements dans ses précédentes familles d'accueil. En discutant avec une précédente famille qui a hébergé le jeune garçon pendant sept ans, Marie-Christine découvre que l'enfant se serait déjà montré violent envers une fillette. Ces révélations déclenchent la colère des Marmignon car l'ASE avait connaissance de tous ces événements, mais a tout de même fait le choix de laisser Fabien chez eux.

Une faute manifeste de l'ASE

Pour Alain et Marie-Christine, il y a une faute manifeste des services de l'État. Il aurait fallu impérativement que Fabien soit pris en charge dans un centre spécialisé. "J'en ai informé la référente qui m'a dit que ce n'était pas vrai, qu'il n'y avait pas de troubles, qu'il n'y avait rien du tout. J'ai dit, 'vous êtes sûre ? Vous êtes sûre ? Oui, oui, j'en suis sûre'", raconte Marie-Christine, la grand-mère de Léa.

Après le meurtre de Léa, sa famille a porté plainte contre l'ASE du Nord. En 2022, la directrice du service enfants et familles avait réfuté toute défaillance dans ce dossier. "Il y avait des signes sur des trucs du comportement, peut-être un comportement sexuel qui commençait peut-être à interroger. Mais rien ne pouvait laisser présager un tel drame", expliquait-elle.

Après cette affaire, l'ASE a mis en place des mesures pour éviter qu'une telle tragédie ne se reproduise. "Ça nous a fait prendre des décisions, c'est-à-dire qu'on essaie de ne plus placer chez les assistants familiaux des enfants qui pourraient présenter des caractères de dangerosité", indique-t-elle. La procédure lancée par les Marmignon contre les services sociaux est toujours en cours.

Quant à Fabien, condamné à 13 ans de prison à Avesnes-sur-Helpe (Nord) et désormais âgé de vingt ans, il a été libéré en octobre 2024 après six ans et quatre mois de détention. 

>> Enquêtes Criminelles, c'est le magazine des faits divers sur W9, présenté par Nathalie Renoux. C'est aussi un podcast. Chaque semaine, Jean-Marie Goix raconte une affaire emblématique qui fait ou qui a fait la une de l'actualité.

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