Delphine Jubillar était une chic fille avec des rêves simples : un travail au service des autres, un mari attentionné, des enfants, une maison. La vie de famille idéale qui lui a manqué dans ses jeunes années. Ses rêves ont disparu avec elle une nuit de décembre 2020. Reste l’image de cette mariée radieuse, qui a dit oui pour le meilleur… et pour le pire.
La France entière la connaît sous ce nom, Delphine Jubillar. C’était le sien depuis sept ans. Avant, elle était Delphine Aussaguel née en 1987 à Albi dans le Tarn. Son enfance est marquée par le divorce de ses parents et la mort prématurée de son père, mécanicien. Elle n’a que 12 ans. Delphine vit alors dans un HLM de Gaillac avec sa mère Marie-Thérèse et ses deux petits frères. La sœur aînée a déjà quitté la maison.
C’est une jeune fille discrète, pudique, mais sociable. Une jolie brune élancée au regard évanescent. C’est à 18 ans qu'elle rencontre Cédric Jubillar, dans une soirée d’anniversaire. Il est apprenti peintre. Elle prépare son bac Sciences Médico-sociales et rêve de devenir infirmière. Très vite, le couple s’installe à Albi.
Ses enfants, c’était sa vie, sa priorité, la prunelle de ses yeux
Une amie de Delphine
Avec sa détermination tranquille, Delphine décroche son diplôme et elle trouve un poste de nuit à la clinique Claude Bernard. Prise de service à 19h, fin de service vers 7h30 du matin. En semaine, les amoureux se croisent. Une vie à deux en pointillés, pas assez pour se connaître vraiment, assez pour s’imaginer un avenir. En 2013, c’est le mariage. À la mairie, en petit comité, le jeune couple ne roule pas sur l’or. La famille trouve qu’elle mérite mieux que ce garçon immature, un peu instable. Mais bon, c’est son choix.
Pour construire la maison de leurs rêves, les jeunes mariés achètent un terrain à Cagnac-les-Mines. Un premier enfant naît en 2014, un petit garçon, Louis. Puis une petite sœur, Elyah. Delphine adore ses enfants, ses amours comme elle les appelle. Elle les couve, elle les affiche sur les réseaux sociaux. "Ses enfants, c’était sa vie, sa priorité, la prunelle de ses yeux", disent ses amies dans Le Point. La jeune maman portait autour du cou un médaillon en forme de goutte. Il renfermait un peu du lait maternel qui avait nourri sa petite Elyah…
Alors que Delphine devient maman, la sienne s’éteint. Marie-Thérèse est atteinte d’une maladie neurodégénérative qui va la ronger pendant deux ans. Delphine l’accompagne jusqu’à sa mort en 2016. "Elle lui a tenu la main jusqu’à son dernier souffle", dit un ami. À 28 ans, la voilà orpheline. La blessure ne se refermera pas. En 2019, après la naissance de sa fille, elle écrit sur sa page Facebook : "Trois ans aujourd'hui. La douleur est toujours là, tu me manques. J'aurais tant aimé te présenter ta petite fille. Je t'aime".
À partir du moment où Cédric était là, ce n'était plus du tout la même personne
Une amie de Delphine
Heureusement il y a ses deux frères et sa sœur, ses cousines, et un cercle d’amies fidèles. Des mamans rencontrées devant l’école, des collègues aussi. Le boulot, ça compte pour Delphine. Elle s’est engagée dans une unité Covid. Elle défend la cause des blouses blanches. C’est une généreuse, une altruiste. Celle qui prend toujours des nouvelles, qui pense aux autres avant de penser à elle. Elle est indépendante, féministe aussi. Elle aime les randonnées, la série La casa de papel et le rock écorché vif de Damien Saez.
Les copines se retrouvent régulièrement, chez l’une, chez l’autre. La plupart du temps, Cédric n’est pas là. Et tant mieux. Car en présence de son mari, la jeune femme pleine de vie semble s’éteindre. "Quand on était entre filles, dit une amie dans l'émission Sept à huit sur TF1, c'était Delph, la rayonnante. On rigolait de tout et de rien sans filtre. À partir du moment où il était là, ce n'était plus du tout la même personne". Il n’est pas bien grand, Cédric, 1 mètre 65, mais il la rabaisse en permanence. Il lui parle mal. Il est grossier, parfois brutal avec son fils.
À Cagnac, ils donnent l’image d’une famille unie, le jeune couple, les
enfants, les deux chiens. Elle, toujours souriante, toujours soignée, maman
épanouie... mais femme meurtrie. Car la réalité n’est pas à la hauteur de ses
rêves. La maison construite par Cédric et ses copains est perpétuellement en
travaux, le peintre plaquiste n’arrive pas à la terminer. Il travaille, oui,
"au rythme d’un fumeur de joints", disent les voisins au Point.
Notre relation est une évidence
"L'amant de Montauban"
Dans le lotissement,
on ne peut pas la rater, leur maison avec ses parpaings rouges apparents, son
balcon sans garde corps, et ce fatras entassé dans le jardin. Un chantier
permanent, certains disent même "une déchetterie". Delphine, ça lui pèse. Dans
ce jardin impraticable aux allures de terrain vague, la poussette de Louis a du
mal à avancer. Alors qu’elle attend son deuxième enfant, elle tombe deux fois,
sur le ventre, dans un chemin mal dégrossi, Cédric avait promis un escalier.
Et
puis les Jubillar ont des soucis financiers. La petite entreprise de Cédric a
été coulée par le Covid, c’est Delphine qui fait bouillir la marmite. En juin
2020, le couple fête ses 7 ans de mariage mais le cœur n’y est pas, il n’y est
plus. Elle est de plus en plus une maman, de moins en moins amoureuse... mais
elle a envie de l’être. En avril elle a sauté le pas. Elle s’est inscrite sur
un site de rencontres.
À l’été, elle fait la connaissance de celui qu’on
appellera "l’amant de Montauban". Il est professeur de piano, la trentaine, un couple qui bat de l’aile, un
petit garçon. Sa vie est un miroir de celle de Delphine. Ils se reconnaissent,
ils se consolent, ils s’aiment. Passent des heures au téléphone, échangent des
dizaines de messages. "Notre relation est une évidence", c’est ce qu’il lui
dit. Elle le reprend "Non, c’est une providence" (il le raconte dans Le Parisien).
Fusion intellectuelle, charnelle aussi. Deux ou trois fois par
mois, ils se retrouvent dans des hôtels à Albi,
Bruguières ou Gaillac. Des rencontres furtives, avec une stratégie bien rodée
pour ne pas se faire repérer : selon Le Nouveau Détective, c’est lui qui entre
le premier, puis il téléphone à Delphine pour lui indiquer le numéro de la
chambre. Elle le rejoint le visage dissimulé par son masque chirurgical. De
rendez-vous en rendez-vous, ils font des rêves de vie à deux, des plans de
départ de plus en plus précis : une ferme, avec un poulailler, près d’Albi. Elle
n’en parlé à personne mais elle a demandé le divorce.
Je n’en peux plus de cette vie de Bidochon
Delphine Jubillar
Dans les mois qui suivent, le fossé se creuse entre Delphine et Cédric
Jubillar. Elle ne porte plus son alliance, elle se maquille un peu plus
qu’avant. Il ne sait rien de sa liaison mais il
a des doutes. Alors il la surveille, il l’espionne, il va même jusqu’à la
géolocaliser. Quand elle s’en rend compte, Delphine entre dans une colère
noire. Toute sa rancœur, toutes ses frustrations remontent à la surface. Elle
lui jette à la figure ses boulots qu’il ne garde jamais, sa voiture toujours en
panne, et la maison, encore et toujours.
Lui, il jure qu’il l’aime, qu’il va
faire ce qu’il faut mais Delphine reste distante. En octobre, lors d’une
dispute, elle apprend qu’il conduit sans permis, pétard aux lèvres, avec les
enfants à bord. Alors elle cache les clefs de la voiture. Les échanges
de SMS, publiés par La Dépêche du Midi, tournent au vinaigre.
Delphine
est à bout. "Maison de Bidochon", "voiture de
Bidochon", "Je n’en peux plus de cette vie de Bidochon"… Il cherche à la
retenir mais sa décision est irrévocable. Elle lui écrit : "Je
me fous des conséquences, ce n’est pas moi qui ai le plus à perdre". Dans sa
tête, elle est déjà partie.
Juste avant sa disparition, Delphine était euphorique
Une collègue de Delphine
Dans les colonnes du Parisien, une collègue du
service gériatrie se souvient : "Juste avant sa disparition, Delphine
était euphorique. Quand on se retrouvait en pause, elle chantait et elle
dansait. Son grand truc, c’était la chanson 'Chipolata' qui était passée
dans La France a un incroyable talent. On sentait qu’elle était
particulièrement heureuse ; mais on ne savait pas pourquoi".
Le 10 décembre, Delphine est en vacances. Le 12,
elle commande une nouvelle voiture. Le 15, elle change ses
codes de carte bancaire pour que Cédric ne découvre pas les dépenses qu’elle
fait avec le nouvel homme de sa vie. L’homme de Montauban a demandé le divorce
à son épouse. Toute la journée, elle a échangé des SMS avec cette femme, qui
vient de découvrir son existence. Pas de crêpage de chignon, pas de rivalité.
Au contraire, les deux femmes concluent une sorte de pacte : Delphine et son
amant attendront la nouvelle année pour s’installer ensemble. Pour fêter ça,
les amoureux achètent une bouteille de vin. Et puis elle rentre chez elle. Elle
est heureuse.
Elle doit reprendre le travail le 23, pour assurer la garde de
Noël. Elle entrevoit déjà 2021, une autre année, un autre homme, une autre vie.
À 22h53, elle lui envoie un dernier message : “bonne nuit mon amour”.
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