Ce 19 novembre 1978, il est 3h29 du matin quand la CIA adresse un premier télégramme des plus inquiétants à la Maison-Blanche. Un suicide de masse vient de se produire à Jonestown, une communauté créée par le gourou Jim Jones, au Guyana. Un premier détachement de l'armée dépêché sur place découvre un spectacle saisissant : des centaines d'hommes, de femmes et d'enfants sont alignés face contre terre. L'armée guyanaise fait état de 914 morts, dont 304 enfants.
Sur certains corps de victimes, les légistes relèvent une coloration bleue sur les mâchoires et des traces de piqûres. Les fidèles ont été foudroyés après avoir ingurgité un mélange de soda à l'orange, de cyanure et d'herbes aromatiques dont des bassines métalliques en sont encore remplies. Quarante-six survivants sont dénombrés. L'avocat de la secte, qui s'est enfui dans la jungle, dit qu'avant le massacre, Jim Jones a prêché pendant dix minutes en concluant : "C'est la mort seule qui nous délivrera du danger qui nous menace".
Dans un bungalow, les militaires découvrent le fameux Jim Jones, mort d'une balle dans le dos. Une cassette audio, enregistrée lors du massacre par le gourou en personne, alors que la tuerie avait commencé, est expertisée par le FBI. Pendant 45 minutes, sur fond de cris de douleur et de musique religieuse, Jim Jones répète que la secte a été trahie : "Si nous ne pouvons pas vivre en paix ici, alors mourons en paix", s'exclame-t-il, applaudi par des fidèles. Il ajoute : "Ce n'est pas un suicide, c'est un acte révolutionnaire pour protester contre ce monde inhumain". Le premier médecin sur place estime que seule une minorité de victimes fanatisées se sont suicidés. Les autres ont été contraintes d'avaler le cyanure ou ont été piquées de force.
"Il leur a rendu la vie tellement pénible, qu'ils sont prêts à mourir. Alors il y en a qui contestent, qui demandent "pourquoi maintenant, est-ce qu'on pourrait pas fuir ou rester quelques jours de plus". Jim Jones dit : "Non, ce ne sera pas possible. Dix jours de plus, ça ne changera rien. Au bout de dix jours, ils viendront nous massacrer et ce sera pire que si on se suicide", rapporte Fabrice d’Almeida, historien et auteur du livre Génies du mal. Comment ils font l’histoire, publié aux éditions Plon. Donc il y a cette espèce de fièvre comme s'ils étaient encerclés et menacés. Et comme, ils n'ont pas de contact avec le reste du monde, ils le croient."
La quarantaine de survivants est retenue à Georgetown, la capitale du Guyana, où des interrogatoires sont menés. Ces témoins comparent la vie quotidienne à la secte comme celle d'un camp de travail ou de redressement. Dès leur arrivée, les passeports étaient confisqués. Les fidèles travaillaient onze heures par jour, six jours par semaine en étant surveillés par des gardes armés. Il était impossible de s'enfuir et les punitions étaient fréquentes. Les abus sexuels du gourou étaient connus de tous. Il choisissait à sa guise une jeune femme ou un jeune homme.
Les enquêteurs s'interrogent alors sur l'inertie de l'ambassade américaine au Guyana qui n'a jamais pris la mesure du danger représenté par cette secte. Jim Jones avait corrompu de nombreuses hautes personnalités du Guyana, dont un responsable de la police. Il entretenait également de bons rapports avec le vice-président Walter Mondale. Le secrétaire d'État à la Santé et à l'Éducation l'avait même félicité pour son "extraordinaire contribution au développement de la dignité humaine".
Dimanche 29 mai 2011, 32 ans après le massacre de Jonestown, les familles de victimes ont déposé une plaque commémorative au cimetière d'Oakland où 409 corps reposent dans une fosse commune. Les cendres de Jim Jones avaient été dispersées dans l'océan.
Si cet événement s'est passé en Amérique du Sud, en France, une loi, promulguée le 10 mai 2024, vise désormais à lutter contre les dérives sectaires et à améliorer l'accompagnement des victimes.
- Fabrice d’Almeida, historien et professeur d'histoire contemporaine et des médias à l'Institut français de presse, auteur du livre Génies du mal. Comment ils font l’histoire, publié aux éditions Plon.
- Jean-Pierre Jougla, avocat honoraire qui a déjà assisté d’anciens adeptes de groupes sectaires et intervenant comme expert lors de procès mettant en cause des groupes sectaires.
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