Affaire de la plume à Genève : une asphyxie érotique cachait-elle un meurtre ?

Dimanche 28 février 2016, Bertrand H. appelle sa belle-fille. Il est chez lui, au Grand-Saconnex une commune résidentielle du grand Genève, non loin de l'aéroport. Il vient de trouver son épouse Bérénice dans la salle de bain. Elle est morte. Les secours sont alertés. Le médecin urgentiste constate le décès. Le corps nu recouvert par un duvet, repose sur le dos, sur le lit de la chambre matrimoniale.

"Ce sont deux personnes qui viennent toutes deux de lignées assez cossues, qui ont eu tous deux une éducation stricte qui parfois confine un peu à la rigidité, qui se sont rencontrés dans une trajectoire similaire. Ils étaient éprouvés par des ruptures difficiles. C’est une sorte de renaissance", indique Me Yaël Hayat, l'avocate de Bertrand H., dans L'Heure du Crime, sur RTL. 

Deux jours après le décès de Bérénice H., le centre universitaire romand de médecine légale, à Lausanne, alerte la police. La légiste chargée de l'autopsie a identifié de nombreuses plaies sur la victime. Au visage, au cuir chevelu, aux membres supérieurs. Les photos montrent des ecchymoses sur les bras, les poignets, les mains. L'examen du corps a aussi permis de détecter une plume dans le poumon de la victime. 

Le mensonge de l'époux

Mardi 11 octobre 2016, Bertrand H. est interpellé et inculpé d'homicide volontaire sur son épouse. Il nie mais il est placé en détention provisoire. Court séjour en prison. Deux mois plus tard, le mari est libéré après avoir versé une caution d'un peu plus de 4 millions d'euros. Il est placé sous contrôle judiciaire.

Vendredi 13 mai 2022, Bertrand H. est jugé devant le tribunal criminel de Genève. Aucune partie civile. Ses propres enfants mais aussi ceux de la victime ne croient pas à sa culpabilité. Bertrand H. maintient qu'il s'agit d'un tragique accident. Mais après quatre jours de procès, Bertrand H. est condamné à treize ans de prison pour meurtre. Il fait appel.

Huit mois après sa condamnation, Bertrand H. adresse une longue lettre au juge genevois Grégory Orci. Il dit avoir enfin trouvé le courage d'écrire pour "briser un secret". "Le 28 février 2016, un accident s'est produit et je n’ai jamais été capable d'en parler, écrit-il, Une immense honte m'en a empêché et je suis devenu prisonnier de ce mensonge". Le mari explique que Bérénice et lui avaient l'habitude de pratiquer des "jeux sexuels parfois extrêmes" afin d'atteindre une excitation plus intense. 

Un verdict en attente

Lundi 27 février 2023, son mari Bertrand, 72 ans, est devant la chambre d'appel du tribunal de Genève. Lui qui avait toujours affirmé que son épouse avait fait une mauvaise chute s’est ravisé. Il évoque désormais un étouffement accidentel, causé par un jeu érotique extrême. "Je m'excuse d'avoir menti", déclare-t-il d'une voix feutrée. "Quoi qu’il dise il n’en dira jamais assez pour expliquer toutes ces années de mensonge", estime Dr Paul Bensussan, expert psychiatre judiciaire. 

Trois experts cités par la défense, l'un en bondage et sadomasochisme, une légiste et le Dr Paul Bensussan se succèdent. Le jour du verdict, le président déclare que Bertrand H. a fait preuve d'une grave négligence. La cour parle d’une faute "très lourde". Mais en dépit des critiques, la version du jeu érotique est retenue. Bertrand H. n’est plus condamné pour meurtre mais pour homicide involontaire. Trois ans de prison. 

Lundi 6 octobre 2025, neuf ans après le décès de Bérénice H., Bertrand H. 75 ans, est de retour au palais de justice de Genève. Le tribunal fédéral a estimé que le précédent procès a laissé trop de questions sans réponse. Le verdict n'a pas encore été rendu. "C’est un cas d’école du fait que le doute subsiste et qu'il empêche une condamnation pure et dure de cet homme", explique Marie Prieur, journaliste 20 Minutes en Suisse romande. 

Les invités de "L'Heure du Crime"

- Marie Prieur, journaliste pour 20 Minutes en Suisse romande. 
- Me Yaël Hayat, avocate au barreau de Genève ayant représenté Bertrand H. avec Me Gerrick Canonica.
- Dr Paul Bensussan, expert psychiatre judiciaire. 

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