Affaire de Bruay-en-Artois : qui est Jean-Pierre Flahaut, l'adolescent qui s'est dénoncé aux gendarmes ?

En avril 1973, "c'est un gamin un peu en perdition, aux prémices de la délinquance, orphelin de ses parents", qui est arrêté par la police à Bruay-en-Artois, petite ville minière du Pas-de-Calais. Jean-Pierre Flahaut a 17 ans et vit seul avec son frère, même s'il fréquente aussi une maison de redressement. Il s'était épris de Brigitte Dewèvre, dont la famille habitait le même immeuble.

Tout juste un an plus tôt, le 6 avril 1972, c'est justement cette adolescente de 15 ans, qui avait été retrouvée morte sur un terrain vague, à deux pas de chez elle. D'abord soupçonné sur fond de lutte des classes, dans une ville organisée autour du coron, le notaire et notable Pierre Leroy a été mis hors de cause en juillet 1972.

"Jean-Pierre Flahaut va être mis en cause par la police locale, qui va lui faire une garde-à-vue 'à la Patrick Dils'", raconte dans Les Voix du crime Daniel Bourdon, ancien policier et lui-même originaire de Bruay. Patrick Dils est un homme victime d'une erreur judiciaire : en 1989, il a avoué des meurtres qu'il n'avait pas commis, après 36 heures de garde-à-vue et des questions à charge des enquêteurs. Son innocence a été reconnue en 2002.

Il décrit même l'évolution de la couleur des yeux de Brigitte pendant son étranglement

Daniel Bourdon

Dans ses aveux aux policiers, Jean-Pierre Flahaut raconte qu'il a rendez-vous, ce soir-là, avec Brigitte Dewèvre. Il veut l'embrasser mais elle refuse et recule. Il perd alors ses moyens et l'étrangle de ses propres mains. "Il décrit même l'évolution de la couleur de ses yeux pendant son étranglement", souligne Daniel Bourdon, par ailleurs auteur d'une série d'ouvrages sur l'affaire, dont Brigitte, Acte final (Flag, 2021).

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Si ce récit convient très bien aux enquêteurs, la garde-à-vue a été "tirée par les cheveux, résume Daniel Bourdon. Jean-Pierre Flahaut est un jeune homme fragile, qu'on peut manipuler, et même les gens à Bruay ne vont pas y croire". Il note néanmoins que l'orphelin "ment très bien."

Jean-Pierre Flahaut est incapable de tirer un sac du même poids que Brigitte, alors qu'il avait dit avoir traîné son corps sur 200 mètres

Daniel Bourdon

Des incohérences apparaissent vite, sur l'étranglement d'abord : "les doigts forment des sillons à la gorge quand on étrangle avec les mains. Là, on a plutôt un foulard ou un lien large qui étrangle Brigitte", pointe l'ancien policier. Ensuite, lors d'une nouvelle reconstitution, Jean-Pierre Flahaut "est incapable de tirer un sac du même poids que Brigitte, alors qu'il avait dit avoir traîné son corps sur 200 mètres", insiste Daniel Bourdon.
Mais le dossier traîne depuis plus d'un an, et Jean-Pierre Flahaut est un coupable qui fait l'affaire pour les enquêteurs. Un procès à huis clos a donc lieu en 1974, où même l'avocat de la famille Dewèvre plaide l'acquittement. "Les éléments retenus contre lui ne peuvent pas l'incriminer, et il est acquitté", explique Daniel Bourdon.

À ce stade, nombre de Bruaysiens qui vivent dans le coron restent convaincus de la culpabilité du notaire Pierre Leroy. La piste Flahaut aura été une parenthèse, alors que l'affaire est classée en 1981. Plus personne n'en parle, jusqu'aux révélations de Daniel Bourdon, 45 ans après.

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