Dans le contexte de la guerre en Ukraine, ils sont la police du ciel aux frontières de l'OTAN. En Lituanie, quatre avions Rafale de l’Armée de l’air française, déployés sur la base militaire de Siauliai, ont déjà procédé à huit interceptions d’avions russes depuis le début de leur mission en décembre 2022.
Ce 16 décembre 2022, en fin de matinée, le commandant Burguy et son équipier Tépal, sont les deux pilotes de chasse français en alerte sur cette base permanente de l’OTAN, dans laquelle les pays membres se relaient pour assurer la police du ciel aux frontières de l’alliance. Il s'agit d'une force dissuasive et défensive face à la menace militaire de Moscou. Le territoire russe se situe seulement à quelques centaines de kilomètres. Dans un froid glacial, une centaine d’aviateurs de l’armée de l’air, dont une quarantaine de mécaniciens et 6 pilotes sont stationnés ici dans de petits préfabriqués blancs.
C’est à ce moment-là, qu’une alarme retentit, depuis les haut-parleurs : une alerte Alpha Scramble, soit une alerte réelle, il ne s’agit pas d’un exercice. "Notre première réaction, c’est d’aller le plus rapidement possible aux avions avec notre équipement complet. À ce moment-là, on ne sait pas encore sur quoi on a été déclenché", explique le pilote Burguy, âgé de 35 ans et déployé depuis deux mois en Lituanie. Le militaire appartient à l’escadron de chasse 3/30 Lorraine basé à Mont-de-Marsan. Il a 15 minutes pour décoller.
Les contrôleurs du ciel lituaniens viennent de repérer le signal radar d’un appareil inconnu, en provenance de l’enclave russe de Kaliningrad et qui frôle l’espace aérien lituanien. Les pilotes courent donc vers la piste de décollage, au pied des hangars, ou les mécaniciens et les pistards sont déjà au travail pour permettre le décollage.
"Une fois en vol, avec mes instruments, je vais détecter quelque chose, une piste, par des caméras, puis par une inspection visuelle, comme la taille, la couleur, le type d’appareil. On continue à se rapprocher pour donner toutes ces informations au centre de commandement", complète le commandant Burguy. Leur objectif est de rejoindre le plus rapidement possible l’avion afin de pouvoir l’identifier et déterminer quelles sont ses intentions réelles.
Les deux pilotes français volent alors en escadrille au-dessus de la mer Baltique. Ils aperçoivent une minuscule flèche bleue dans les nuages : un Soukhoï-34 Fullback, l’un des avions les plus modernes de la flotte russe, un bombardier tactique de quatrième génération. "On se doute que c’est une mission de transit mais nous n'en sommes pas certains. On ne va donc pas chercher à nous mettre en danger et on va prendre nos précautions en évitant de voler trop près".
On n'est pas là pour leur faire peur
Commandant Burguy, pilote de chasse français
À bord de leurs Rafale, le commandant Burguy et son équipier Tépal ne sont plus qu’à quelques mètres de l’appareil russe. "Je peux voir son cockpit et on se regarde. Il y a des échanges de signes. Quelles que soient la nationalité et les différences, il y a toujours un respect entre pilotes de chasse", détaille le pilote, qui prend tout de même ses précautions.
"Notre objectif est de faire en sorte qu’il n’interprète pas nos évolutions comme une volonté d’escalade. Il faut y aller pas-à-pas, progressivement. On ne connaît pas sa réaction. On n'est pas là pour leur faire peur. Cela montre juste que l’on vient l’intercepter pour l’identifier mais sans vouloir se battre contre lui", dit-il.
Les aviateurs français finissent par raccompagner le Soukhoï jusqu’à la limite de l’espace aérien russe, avant de retourner à leur base. Depuis le début de leur mission, ils ont effectué des dizaines de missions d'entraînement et d'observation mais surtout 8 interceptions en conditions réelles d'appareils russes, toujours sans incident jusque-là.