Japon : comment la secte Aum a plongé le pays dans la terreur le 20 mars 1995

Le 20 mars 2025 marque les trente ans de l'attaque terroriste au gaz sarin dans le métro japonais. Organisée par la secte Aum, cette attaque a brisé cinquante ans de paix et de prospérité dans le pays depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Il était 7h48 et c'était l’heure de pointe dans le métro tokyoïte. Des hommes avec des masques sur le bas du visage entraient dans différentes rames. Mêlés aux travailleurs, ils ont laissé tomber des poches qu’ils transpercèrent d’un coup de parapluie avant de sortir du métro. Un liquide s'est répandu. Très vite, l’air est devenu irrespirable. Les gens ont commencé à tousser et vomir. Certains étaient à terre et saignaient. C'était la panique et l'incompréhension totale dans les couloirs.

L’attaque visait des stations stratégiques, dont Kasumigaseki, lieu représentatif de l’administration japonaise. La station dessert un grand nombre de ministères dont celui de l'Intérieur ou encore des Affaires Étrangères. 

Des hôpitaux dépassés

Mais les secours ont tardé. Le gouverneur de Tokyo n'a demandé l’aide des Forces d’Auto-Défense qu’en fin de matinée, et ce n’est qu’à 13h30 que les premiers spécialistes sont arrivés. Les hôpitaux ont rapidement été dépassés.

Ce ne fut que par la télévision que les secours ont découvert l’arme utilisée : du gaz sarin. Dérivé du sarin, ce gaz est un neurotoxique 500 fois plus puissant que le cyanure, mis au point par les Nazis. Au total, 13 morts et plus de 6 300 blessés.

Derrière cette attaque, c’est une secte fondée dans les années 1980 qui s'est félicitée. Aum Shinrikyô ou "la Vérité Suprême", dirigée par Shoko Asahara, un gourou quasiment aveugle qui prétendait avoir des pouvoirs surnaturels.

Japon, terreau fertile pour les cultes

Aum n’est pas un cas isolé. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, les sectes fleurissent dans le pays. La désillusion d’après 1945, place l’empereur jusqu’à lors statut de divin en tant que simple être humain. Sans grande figure de guide, les Japonais se sont retrouvés perdus. Un vide qui a été progressivement comblé par l’émergence de divers cultes et de sectes.

Dès 1997, l'auteur Haruki Murakami a réalisé un travail de mémoire et d'écriture en recueillant le témoignage de victimes mais aussi d'adeptes de la secte. "Où que je me trouve je sentais en moi un vide violent. (...) Si je ne pouvais compter sur rien en moi, la seule solution état de m'offrir à Aum. De toute façon, j'avais toujours pensé qu'un jour je renoncerai au monde ", témoignait Mitsuharu Inaba, l'un des disciples d'Aum. 

Initialement simple école de yoga, la secte de Asahara fut reconnue comme organisme religieux en 1989. Asahara ne se cachait. Il multipliait les apparitions télévisées et sa figure était déclinée sous diverses formes, que ce soit des chansons, dessins animés et même un manga…

La préparation d'un Armageddon

À son apogée, le gourou attirait près de 10.000 adeptes, dont des scientifiques, médecins et avocats. La secte prospérait tout comme ses meurtres et disparitions inquiétantes.

Taro Takimoto, avocat et défenseur des victimes de sectes s'est dressé contre la secte, ce qui lui a valu une tentative d'assassinat. Il la raconte dans un documentaire Arte, Haruki Murakami, de Undergroud à 1Q84 - L'attentat de la secte Aum : "En mai 1994, j'ai moi-même été victime d'une tentative d'assassinat par une jeune femme de 17 ans qui a tenté de me faire inhaler du gaz sarin. C'était une des maîtresses de Shoko Asahara. Il lui a dit : 'Il y a quelqu'un qui mérite la Rédemption. Tu voudrais bien le faire disparaître ?'".

Le gourou prédisait un Armageddon imminent, dont seuls ses disciples réchapperaient. Mais ce dernier tarde à venir. Alors Asahara a décidé de provoquer le destin et de provoquer la fin du monde avec l'attentat au gaz sarin.

Après l’attentat, la traque s’est engagée. Asahara, le commanditaire et ses principaux lieutenants, ont été arrêtés. En 2004, il a été condamné à mort pour l’attaque du métro et d’autres crimes. Le 6 juillet 2018, Shoko Asahara, l’ennemi public numéro un, et six de ses disciples ont été exécutés.

Le traumatisme reste grand. Dès 1997, Haruki Murakami a recueilli les témoignages de 62 victimes, révélant des récits de lourds traumatismes. "Le simple fait de marcher me fait peur désormais," confiait Tomoko Takatsuki, qui avait 26 ans au moment des faits. Kiyoka Izumi ajoutait : "Dans mes cauchemars, des centaines de corps étaient allongés par terre, rangés jusqu'à l'horizon."

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