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Vladimir Poutine lors d'une cérémonie d'attribution de décorations militaires, le 31 octobre 2014 au Kremlin
Crédit : AFP / MICHAEL KLIMENTYEV
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L'annonce du quai d'Orsay n'a trompé personne le 5 avril 2022. L'expulsion de 35 "diplomates russes", en réponse aux terribles exactions commises par les soldats de Vladimir Poutine dans la ville ukrainienne de Boutcha, concernait en réalité 35 espions de Moscou parfaitement identifiés par la DGSI, le contre-espionnage français.
Des hommes et des femmes issus du service de renseignement extérieur russe (SVR) ou du renseignement militaire (GRU) mais qui occupaient officiellement diverses fonctions à l'ambassade de Russie ou dans les consulats de Marseille ou de Strasbourg. En temps de paix leur présence était tolérée, notamment pour préserver en balance la présence d'agents tricolores au sein de l'ambassade de France à Moscou.
La guerre a changé la donne. Quelques jours plus tôt, six autres officiers du renseignement russe avaient été renvoyés manu militari pour avoir été surpris en flagrant délit d'achat de documents secrets auprès d'une source française, aboutissement d'une opération majeure de contre-espionnage initiée bien avant le début de l'invasion de l'Ukraine. Enfin, c'est moins connu, la quasi-fermeture en juillet de la délégation russe à Strasbourg, dans le sillage de l'exclusion de la Russie du Conseil de l'Europe, a entraîné le départ d'une nouvelle fournée d'"honorables correspondants" du SVR ou du GRU.
D'après les informations de RTL, c'est au total une cinquantaine d'espions russes qui a plié bagage depuis le début de l'agression de l'Ukraine. Avant la guerre, la DGSI estimait leur nombre entre 75 et 80, c'est donc près de deux-tiers du dispositif qui a été impacté. Des agents sous couverture diplomatique rompus aux techniques de recrutement de sources, et formés à "tamponner" parlementaires, politiques, chercheurs, diplomates, militaires ou journalistes pour les amener à livrer des informations confidentielles en échange de rémunération ou de cadeaux parfois somptueux.
Avec cette série d'expulsions la capacité de renseignement de Moscou dans l'Hexagone a été significativement dégradée d'après une source au sein du contre-espionnage. Moscou n'a pas renoncé pour autant. Le régime de Vladimir Poutine a plus que jamais besoin d'informations sur les intentions de ses adversaires, notamment militaires et diplomatiques. Les personnels de l'Otan restent donc des objectifs prioritaires. Autres cibles placées en haut de la liste : les hommes et femmes politiques, les élus, mais aussi les ingénieurs des entreprises de haute technologie.
La priorité des priorités désormais pour les services français, c'est de contrer les tentatives de Moscou de reconstituer son dispositif. D'abord par la voie "classique", toujours la même depuis l'époque soviétique, c'est-à-dire le placement d'espions au sein de l'ambassade de Russie et des consulats. La DGSI épluche avec une extrême attention les CV des nouveaux embauchés au sein de la représentation russe avant leur accréditation en France. Des employés officiellement envoyés pour remplacer les chauffeurs, traducteurs ou conseillers, hommes et femmes, qui ont regagné la Russie. Objectif des renseignements français : démasquer ceux qui sont passés par les centres de formation du SVR ou du GRU.
Le deuxième volet est plus ardu. Il concerne les agents sous légende, les "agents dormants", récemment projetés en France ou venus s'installer il y a plusieurs années pour venir se fondre dans le paysage. Parfois devenus citoyens français, parfaitement introduits dans le pays, ils sont destinés à être activés en fonction des nécessités.
Une enquête de l'Obs en 2014 estimait leur nombre en France entre 10 et 20. On ignore combien ils sont aujourd'hui, mais selon une source au sein du renseignement français, la Russie pourrait être tentée de développer son réseau et de projeter de nouveaux clandestins pour contourner la surveillance de plus en plus serrée de la voie "diplomatique".
Deux affaires récentes en Europe ont illustré la réalité de cette stratégie : en Suède un couple d'origine russe installé depuis le début des années 1990 a été interpellé en novembre au cours d'une opération spectaculaire avec hélicoptères Blackhawks et policiers cagoulés. Soupçonnés d'être liés au GRU, le renseignement militaire russe, ils sont accusés "d'acquisition illégale d'acquisition de technologie militaire" d'après les autorités suédoises. En juin, c'était un soi-disant jeune Brésilien qui arrivait pour un stage au sein de la Cour pénale internationale (CPI) à la Haye qui a été démasqué par les policiers néerlandais. Il s'agissait d'un ressortissant russe qui avait bâti sa légende de Brésilien issu des quartiers pauvres pendant plusieurs années.
Deux difficultés pour le contre-espionnage français. D'abord ces agents dormants ont souvent acquis la nationalité d'un pays tiers avant de venir s'installer dans le pays cible. Par ailleurs, des Russes qui fuient la mobilisation et la guerre arrivent à un rythme régulier en France. Est-ce que les services russes tentent d'utiliser cette voie pour introduire des agents sous couvert de faux déserteurs ? Aucun cas n'a été détecté jusqu'ici, mais la vigilance est de mise.
La DGSI insiste également sur la prévention. Le service de renseignement a très officiellement mis en garde cet automne sur les tentatives de recrutement via le site internet LeBoncoin. La technique peut sembler simpliste mais elle a fonctionné. Des agents russes SVR répondaient à des annonces de jeunes ingénieurs salariés d'entreprises de haute technologie qui arrondissent leurs fins de mois en donnant des cours de maths. De fil en aiguille, les espions tentaient alors d'amener leurs professeurs particuliers à leur parler de leur travail jusqu'à, dans certains cas, produire des notes sur des sujets sensibles. Une douzaine de tentatives ont été répertoriées. Pour tenter de prévenir le risque, une vaste campagne de sensibilisation des chefs d'entreprises a été lancée.
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