Les Allemands seraient sur le point de renier leur religion anti-relance économique. Nos voisins font, depuis quelques années une sorte de fétichisme de l’excédent budgétaire, avec une règle qui interdit les déficits supérieurs à 0,35% du PIB, constitutionnellement.
Règle qu’on appelle familièrement "schwarze null", zéro pointé. Autrement dit, zéro déficit. En fait, l’Allemagne accumule chaque année des dizaines de milliards d’euros d’excédent, avec lesquels elle rembourse sa dette.
Mais plusieurs voix en Europe, la France au premier chef, lui demandent aujourd’hui de soutenir sa conjoncture avec un programme de relance. Jusqu’ici, c’était "nein". Et voilà que "das mammouth" bouge, à son rythme c’est vrai.
Premier signe, le gouvernement discute de la création d’un gigantesque fond d’investissement public pour financer la transition énergétique, dont le montant approcherait 100 milliards d’euros à utiliser d’ici 2030.
Cet argent sera investi dans les infrastructures de transport et de production d’énergie, pour diminuer les émissions de carbone. L’Allemagne est en effet mauvaise sur ce chapitre, parce que c’est un pays industriel, et parce qu’elle est en train de sortir du nucléaire au profit des renouvelables, mais dans les faits, principalement, largement du charbon.
Pour vous donner la mesure du chemin a parcourir, j’ai regardé la consommation d’énergie en Allemagne tout à l'heure, à 6h53. Pour produire de l’électricité, elle émettait 428 grammes de carbone par kilowatt. Au même instant, la France était à 56 grammes, soit huit fois moins d'émissions polluantes ! C’est bien sûr parce que l’Allemagne, étant sortie quasiment du nucléaire, utilise massivement des centrales à charbon.
En fait, l’Allemagne copie les Pays-Bas, qui ont décidé de la création d’un tel fond, pour le climat et l’innovation, de 50 milliards. Mais il y a autre chose. Hier, se tenait une réunion entre Bruno Le Maire, notre ministre de l’Économie, et ses deux homologues allemands.
Pour la première fois, les Allemands ont approuvé, dans ses principes, la stratégie de croissance développée par Le Maire, qui prévoit, outre les réformes, une relance de la part des pays qui ont une marge de manœuvre budgétaire. Ils ne disent pas encore "ja", mais ce n’est plus "nein". C’est plutôt un "nicht jetzt", pas maintenant. Le budget allemand a été adopté la semaine dernière, et il semble difficile de revenir dessus. Les dirigeants allemands espèrent toujours que la conjoncture va s’améliorer toute seule.
Quand on est à 3% de chômage, on ne va pas vraiment mal. Mais la croissance économique tangente le zéro. Pour deux raisons. Le ralentissement du commerce mondial, auquel ce grand exportateur qu’est l’Allemagne est exposé. Et la crise de l’automobile traditionnelle, secteur d’excellence teuton.
Le mondial de Francfort se termine dimanche, et les industriels ont un petit moral. Les ventes chutent, y compris et surtout en Chine, qui représente 40% des ventes du groupe Volkswagen. Et on s’inquiète sur l’avenir commercial des véhicules électriques. Vous voulez que je vous raconte une histoire qui fait la joie des constructeurs ces jours-ci ?
Ce sont deux dirigeants de l’auto qui se téléphonent. L’un demande à l’autre : "ca va ?". "Oh ben oui très bien !", répond le second. "Et les affaires, comment ça marche ?". "Écoute, vraiment pas mal, on est content". Le premier reprend alors : "bon, je vois que tu n’es pas tout seul, je te rappellerai plus tard".