Habitat : pourquoi l'enseigne d'ameublement met-elle la clé sous la porte ?

Clap de fin. Entre Noël et le Nouvel An, l'enseigne d'ameublement Habitat a été liquidée judiciairement. L'activité de la société a cessé, entrainant avec elle plus de 300 salariés. "C'est la catastrophe pour nous. Les magasins ne rouvriront jamais. Mais n'oubliez pas les prestataires qui travaillaient pour nous. Ceux qui livraient la marchandise, les transporteurs, ceux qui montaient les meubles, ceux-là vont se retrouver sur le carreau", témoigne Ratiba Habache, de la CGT. Également, pas moins de 9 millions d'euros d'acompte ont été versés par des clients, qui n'ont toujours pas réussi à obtenir leurs meubles ou leur remboursement. Quelles sont les raisons de cette descente aux enfers ? 

Cette chute n'est pas surprenante pour Habitat, puisque l'entreprise est en difficulté depuis quelques années, après un rachat symbolique par l'homme d'affaires Thierry Le Guénic en 2020. Pour le spécialiste de la grande distribution Olivier Dauvers, c'était la chronique d'une chute annoncée. Ce dernier évoque la "loi de la jungle", car "les temps de la consommation sont objectivement durs". Ainsi, comme Casino, Camaïeu ou San Marita, ce sont "les enseignes les plus fragiles" qui en payent le prix en premier lieu. 

Dans le domaine de l'ameublement et de la décoration, Thierry Le Guénic constate "une forme d'essentialisation de la consommation". Il précise sa pensée : "On est sous la contrainte budgétaire, beaucoup plus qu'il y a quelques mois ou quelques années, donc ça nous fait hiérarchiser davantage ce qu'on doit acheter. Et au moment de choisir, est-ce que vous privilégiez de remplir votre frigo, votre placard ou de changer votre canapé ?", interroge-t-il. Or, cette priorisation implique que les Français prennent plus de temps pour consommer, ce qui crée "un trou dans la consommation" selon lui.

L'impact négatif du e-commerce sur les magasins physiques

D'autres enseignes grand public ont été victimes, et le seront si je puis dire dans les mois ou les années qui viennent. "La consommation ne progresse plus", explique l'expert. Une partie de celle-ci bascule par ailleurs vers l'e-commerce, avec des achats sur Internet. "Chaque année qui passe, l'e-commerce gagne du terrain". 

"Si le gâteau ne grossit pas et que vous avez une partie de ce gâteau qui est en train de quitter les magasins physiques, notamment dans les villes, pour aller sur Internet, ça veut dire de manière mécanique qu'on a besoin de moins de magasins, malheureusement pour ceux qui y travaillent", analyse l'expert.

Enfin, avec la liquidation de l'entreprise, les biens qui lui appartiennent vont être vendus "au mieux dans 10 ans", ce qui implique que les clients ne seront sûrement jamais remboursés. L'argent qui ressortira de cette vente par les déstockeurs ira prioritairement aux salariés, puisque tous les salaires n'ont pas été payés.