L'économie américaine a retrouvé la santé, et cela se voit sur les routes du pays. Jamais les Américains n'ont acheté autant de voitures qu'en 2015 : plus de 17 millions sur l'année. Les États-Unis ont non seulement retrouvé, mais dépassé leur record de l'avant-crise. Il y a à cette renaissance plusieurs raisons : l'économie, et en particulier la forte baisse du chômage, qui fait que la classe moyenne a moins peur pour l'avenir ; la baisse du prix du pétrole, qui se traduit par une chute historique du coût de l'essence (on est à 60 centimes le litre) ; et la baisse des taux d'emprunt, car la plupart de ces voitures sont achetées à crédit.
Les constructeurs d'automobile américains sont eux aussi en pleine santé, après avoir failli disparaître pendant la crise. Ils n'ont dû leur survie qu'à l'intervention de l'État fédéral, qui les a renfloués et restructurés violemment (Chrysler a ainsi été revendu à l'Européen Fiat). Leurs marges sont aujourd'hui parmi les plus élevées du monde pour des constructeurs généralistes. Les modèles les plus vendus aux États-Unis sont les fameux pick-up, comme celui de Ford et de Chevrolet. Ce sont des véhicules qui permettent de transporter des charges considérables à l'air libre derrière, mais que les Américains utilisent aussi pour les trajets quotidiens. Il y aussi les SUV, c'est-à-dire les 4X4, dont les ventes ont progressé de 16% cette année.
Tout cela n'est pas très écologique. Pour vous donner une idée, un pick-up consomme 15 litres au 100 en ville, selon la documentation du constructeur (c'est-à-dire probablement davantage). La COP21 et le réchauffement climatique aux États-Unis, c'est loin. Le consommateur moyen n'en a absolument rien à faire. Quand c'est la crise et que l'essence est chère, il achète petit. Quand ça repart, il réinvestit dans un tank flambant neuf. Il n'y a aucun changement de comportement structurel de l'automobiliste. La meilleure preuve, c'est que les ventes de véhicules électriques ont chuté l'année dernière de 8%, et celle des voitures hybrides de 16%.
Chez nous, c'est très différent. Le marché français, d'abord, n'est que convalescent. Il se reprend, mais n'a pas retrouvé le niveau de l'avant-crise. Ensuite, c'est devenu un marché de pays sinon pauvre, du moins à revenu intermédiaire, avec exclusivement des petites voitures dans le top ten : la Renault Clio, la Peugeot 208, la Twingo. Il faut noter d'ailleurs que cette année, les dix voitures les plus vendues en France sont des voitures françaises, pour la plupart fabriquées à l'étranger, car les usines françaises ne sont plus compétitives pour ces modèles peu chers. Quant aux voitures dites "vertes" - électriques ou hybrides -, elles continuent à progresser tout doucement, soutenues par les bonus gouvernementaux.
Pourquoi une telle différence de taille entre les voitures françaises et américaines ? Il y a une différence de revenus tout d'abord, on l'a dit, entre une France encore en crise et une Amérique en reprise. Il y a une différence de prix de l'essence aussi, qui explique que les Américains soient moins attirés par les petites voitures. Enfin, il y a une différence de culture. Aux États-Unis, nombre de villes ont été construites après l'invention de la voiture, et autour de la voiture. Il est donc beaucoup plus commode de circuler qu'en Europe.