Halal, discount, technologique... Comment l'hypermarché français se réinvente ?
Il y a 60 ans, le premier hypermarché de France (2500 m² de surface) ouvrait ses portes à Sainte-Geneviève-des-Bois dans l'Essonne. Le concept a évolué, le marché est devenu très concurrentiel, le hard discount gagne du terrain. La grande distribution cherche aujourd'hui à se réinventer.
C'était l'époque des 4L, 2CV et Dauphines garées sur le parking, sous la devanture flambant neuve du tout premier hypermarché de France. Michel, toujours client aujourd'hui, s'en souvient comme si c'était hier : "J'ai pris le journal et j'ai vu qu'il y a une inauguration le 15 juin alors j'ai enfourché mon vélo et je suis venu."
15 juin 1963, Carrefour est la première enseigne à ouvrir un magasin de 2500 m² d'où l'appellation "hypermarché". C'est le début du concept "tout sous le même toit" : des fruits et légumes, de la viande et du poisson, de l'outillage et de la vaisselle, des vêtements et du linge de maison.
Michel avait 18 ans à l'époque. "Dans le temps, vous alliez dans une petite boutique, vous attendiez votre tour, on vous servait, alors que là, c'est vous qui vous servez." Le magasin de Sainte-Geneviève-des-Bois est pris d'assaut, la révolution dans le monde du commerce est lancée. "Pris d'assaut parce que tout sous le même toit, pris d'assaut parce qu'on y fait des prix qu'on avait jamais vus", raconte Alexandre Bompard l'actuel patron de Carrefour. " Nous avons participé à la démocratisation de la consommation".
La formule s'est exportée et elle a bien évoluée depuis, avec le drive et la livraison. Mais c'est toujours le prix affiché dans les hypermarchés qui attire les clients. Même si pour certains, l'hyper est devenu un symbole de surconsommation et de gaspillage, même s'il est concurrencé par le discount et le commerce en ligne, pour de nombreux Français, il reste un passage obligé pour faire les courses : 70 milliards d'euros de chiffre d'affaires annuel en France toutes enseignes confondues.
Hyper technologique
Dans l'hypermarché originel de Saint-Geneviève-des-Bois, on découvre le charriot de courses du futur. Un caddie métallique traditionnel, surmonté d'une armature de plastique noir bardé d'électronique et au centre : un écran de la taille d'un ordinateur portable. La carte de fidélité permet d'allumer le caddie, on peut faire défiler sur l'écran le catalogue de promotions de la semaine. Le prototype intègre une caisse automatique avec balance et scannette, et bientôt, on pourra entrer sa liste de courses et se laisser guider dans le magasin.
"On pourrait imaginer que l'écran géolocalise les produits et accompagne le client jusqu'au rayon où se situe le produit qu'il recherche comme une forme de GPS ", explique le directeur stratégie des hypermarchés Carrefour. Des achats qui peuvent donc s'effectuer plus rapidement sans passage en caisse. Une puce est intégrée sur le côté gauche pour détecter les moyens de paiement : carte bancaire, montre ou téléphone.
Le triomphe du discount
Les enseignes de hard discount grignotent des parts de marchés dans la grande distribution : 10% pour Lidl et Aldi réunis, les deux marques venues d'Allemagne. Lidl s'est même hissé à la 5ᵉ place du classement des enseignes avec 7,9% de parts de marché, dernière les marques historiques : Leclerc (22,2%) Intermarché (14,2%) Système U 11,6% de parts de marché et Carrefour (9,9% de parts de marché). La particularité des enseignes de discount : leur nombre de produits beaucoup plus limité, une gamme réduite de 1.500 à 2.000 produits. En cette période de forte inflation, certains ménages se détournent des hypermarchés pour chercher les prix les plus compétitifs.
Aurélien est cuisinier à Blois dans le Loir-et-Cher, auparavant, il faisait ses courses en hypermarché sans faire vraiment attention aux prix, raconte-t-il au micro RTL. Mais, aujourd'hui, il s'arrête chez les discounters. "Quand on arrive à 20 euros le kilo de poulet, tu te poses des questions. Sur les fraises, on est du simple au triple". Les clients notent aussi que ces magasins proposaient initialement uniquement de l'alimentaire mais désormais, "on y trouve presque tout, un petit peu de vêtement, de déco de maisons, un éventail de produits qu'il n'y avait pas avant", conclut Mehdi un autre acheteur blésois.
De nouvelles enseignes apparaissent localement. Aux Mureaux dans les Yvelines, le supermarché Auchan va fermer, dépassé par son concurrent, situé à quelques mètres, sur le même trottoir, le supermarché halal Hmarket. Il ne désemplit pas grâce notamment à ses prix imbattables, comme l'a constaté RTL. Il a croisé Amira qui a rempli des sacs blanc et vert, les couleurs de l'enseigne, de fruits de légumes, de viande, de quoi tenir une petite semaine. "Des produits à prix défiants toute concurrence", dit-elle, "J'en ai eu pour 30 euros ; avec les fins de mois difficiles, on joue sur les prix".
Hmarket propose du déstockage et des produits frais en circuit court plébiscités par les habitants du quartier et pas seulement par la communauté musulmane. Sylvie aussi a fait ses calculs : 5kg de pommes de terre ici, c'est 3 euros 50 et chez Auchan, c'est 6 euros". Créée en 2006, cette chaîne aux prix imbattables s’est spécialisée dans l’"alimentaire ethnique". Fort de son succès, Hmarket vient d'ouvrir cette semaine à Buchelay, près de Mantes-la-Jolie (Yvelines), son dixième magasin en Île-de-France.
