Patrick Pouyanné, le patron de Total, s'est exprimé sur Twitter pour justifier sa rémunération de six millions d'euros annuels. Ses propos ont déclenché une tempête. Plus tôt dans la semaine, Karim Benzema a reçu la plus haute distinction footballistique, se présentant comme le «Ballon d’Or du peuple » sans choquer quiconque alors qu’il gagne dix millions d’euros par an.
Le PDG du groupe paye ses impôts en France. Il a la charge quelque 100.000 salariés et dirige une compagnie qui est un atout de la souveraineté française. Autant dire que sa responsabilité est lourde. L'attaquant de l'équipe de France fait payer ses impôts par le club qui l’emploie, comme toutes les stars du ballon rond, et sa responsabilité sociale est quelque peu réduite. Deux talents dans leur domaine, l'un est reconnu, et pas l'autre...
L’explication superficielle serait d’attribuer cela au contraste entre le plaisir, la passion, que procure le football aux spectateurs d’un côté et les contraintes du monde du travail de l’autre. Nous serions prêts à rémunérer les amuseurs, mais pas les stars du monde de l’entreprise, dont nous ne comprenons pas bien la virtuosité. Mais le mal est peut-être plus profond...
Concernant Karim Benzema, il n’y a aucun doute sur le fait que s’il est arrivé là, il le doit à lui seul. Il n’a pas de formation spécifique, et quand bien même en aurait-il eu, elle n'aurait pas garanti le talent exceptionnel qui est le sien. Les relations qu'il aurait pu avoir n'auraient rien fait pour lui : devant le but, il faut marquer.
Les Français n’ont pas ce sentiment à propos des patrons. Nos grandes écoles, desquelles sont souvent issus les dirigeants d’entreprises, très sélectives, sont des instruments de reproduction sociale. Les conseils d’administration, souvent consanguins, sont faits de relations croisées dans un tout petit milieu.
Les dirigeants économiques et politiques constituent une élite sociale relativement fermée, transmise entre les générations. L’histoire d’un Benzema, d’un Zidane ou d’un Ribéry, symbole d’un ascenseur social prodigieux, permet au plus modeste de se hisser instantanément au plus haut. Cela fait rêver une part de chacun d’entre nous.
La richesse d'un patron n'est pas vue comme légitime en France. Chez nous, le patron ne provient que rarement de la base de l’entreprise. En France, on arrive à la tête d’une entreprise par le haut. Contrairement à l’Allemagne. Il est fréquent de voir un dirigeant, qui a débuté comme apprenti, grimper les échelons à la force du poignet. La querelle sur le salaire des patrons en France souligne que l’entreprise française n’est pas un ascenseur social.
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