ÉDITO - "La Chine donne des gages, le temps d’évaluer la situation", estime François Lenglet
Depuis l'élection de Donald Trump, la Chine compose avec les nouvelles exigences des États-Unis. Elle a beaucoup à perdre. François Lenglet revient sur ce jeu d'équilibriste.
La Chine fait profil bas face à Washington. Preuve en est : la vente des ports du canal de Panama à un fonds d’investissement américain, Black Rock, annoncée il y à 36 h. On sait que Trump voulait récupérer le contrôle de cet axe maritime essentiel pour le commerce. Li Ka-shing, milliardaire de Hong Kong, qui possédait ces ports, a vendu pour plus de 20 milliards d’euros, en quelques jours. Cela n’a pas pu se faire sans l’assentiment de Pékin.
Mais ce n’est pas le seul signal. La réponse a été modérée face aux droits de douane. On pourrait aussi citer l’accord de la Chine pour vendre aux Américains le chinois TikTok, encore une demande de Donald Trump.
Mais si la Chine se montre si accommodante c’est parce que Pékin aime mieux les républicains. Elle prend les démocrates pour des menteurs et des donneurs de leçon. Mais cette fois-ci, la situation géopolitique s’est complètement retournée, et le pays a beaucoup à perdre. Alors, elle donne des gages, le temps d’évaluer la situation.
La Chine était un interlocuteur privilégié
La Chine redoute de perdre notamment son alliance avec la Russie. Le rapprochement de Donald Trump vis-à-vis de Moscou est destiné à casser ce rapprochement, pour isoler la Chine. Son partenariat lui permet d’avoir un accès privilégié aux matières premières russes.
Elle achète l’énergie à prix cassé, l’accès physique à l’Arctique, essentiel du point de vue stratégique et commercial mais aussi les technologies militaires russes, assez avancées et le soutien au conseil de sécurité de l’ONU sur tous les intérêts chinois. Tout cela pèse très lourd sur la balance.
La Chine pourrait ne plus avoir tout cela. Depuis la guerre en Ukraine, elle était l'interlocuteur privilégié en vendant à la Russie, ce qui avait pour but d’atténuer les effets des sanctions occidentales. Mais si la Russie n’est plus isolée et qu’elle fait du business avec les États-Unis de Trump, l’alliance que propose Pékin perd une bonne partie de son intérêt.
Pékin est-il perdant ?
À moyen terme, on ne sait pas si Pékin est le grand perdant de l'élection de Donald Trump, donc les Chinois sont prudents. Le pays pense à l’île de Taiwan, en principe protégée par les États-Unis, qu'elle veut récupérer. Si le président est aussi aidant avec Taiwan qu’il l’a été avec l’Ukraine, tous les espoirs sont permis.
De plus, la brutalité de Trump vis-à-vis de ses alliés ouvre un champ stratégique large à la Chine, qui va pouvoir tenter de construire de nouvelles alliances. Tout particulièrement l'Europe. Déjà, la semaine dernière, le ministre des Affaires étrangères espagnol appelait l’Europe à redéfinir sa politique vis-à-vis de la Chine, plutôt que de singer l’Amérique. Ce n’est peut-être qu’un début.
