Il y a plusieurs canaux de transmission de la crise militaire à l’économie. Le premier, évoqué par le chef de l’État, est tout bonnement le commerce franco-russe, qui va être fortement freiné, à cause des sanctions. Nos exportations en Russie ne comptent que pour 1 à 2% du total mais cela va pénaliser quand même l’aéronautique, l’agro-alimentaire, le luxe. Côté imports, c’est l’énergie, les engrais, les métaux, d’une valeur plus importante que les exports car nous sommes habituellement en déficit commercial avec la Russie.
Et il y a des effets indirects, via le ralentissement du commerce entre Moscou et les autres pays européens, qui pèsera aussi sur la France à cause des liens que nous avons avec eux.
Mais le second canal de transmission est plus puissant parce qu’il touche toute l’économie. Mercredi 2 mars, le gaz a repris 50%, c’est très volatil, tandis que le pétrole était au-dessus de 115 dollars le baril. L’électricité suit mécaniquement. Et ce n’est peut-être que le début, pour un poste, l’énergie, qui représente 9% des dépenses des ménages, et qui flambe alors que l’inflation est déjà, en rythme annuel, à 3,6%.
L’objectif d'exclure le secteur de l'énergie des sanctions n’est pas tenu. Parce que bon nombre d’acteurs du secteur pétrolier mondial refusent tout simplement d’acheter du pétrole russe, ils vont plus loin que ce qu’on leur demande. Et cela malgré une décote sur les prix absolument inédite, le baril de l’Oural se vendait mercredi avec un discount de 15%.
Par conséquent, l’offre mondiale de pétrole est plus faible que d’habitude, car les autres pays producteurs ne parviennent pas à augmenter leurs cadences pour compenser, et les prix montent. Sans compter les mouvements de spéculation, qui exagèrent toujours la tendance. Voilà pour les effets mécaniques, auxquels s’ajoutent des effets psychologiques.
En effet, le climat de guerre dissuade les investissements des entreprises, qui comptent pour une bonne part de la croissance européenne. Pour être complet, il faudrait encore évoquer le risque financier. Les sanctions ont pour but de désincarcérer l’économie russe de la mondialisation, afin de l’isoler. La conséquence probable, c’est un défaut de la Russie et de certaines de ses banques, sur leurs dettes et sur leurs engagements. Il va donc y avoir des trous dans les bilans de ceux qui leur ont prêté, qui eux-mêmes seront alors en difficulté. C’est l’effet domino.
Jean Castex, le Premier ministre, a été chargé d’établir un plan de "résilience". En clair, de résistance. Il s’agira sans doute d’indemniser les exportateurs en difficulté, et de trouver des filières d’approvisionnement alternatives. Pas simple.
Pour le reste, le fameux "bouclier tarifaire", qui bloque le prix du gaz et de l’électricité, a probablement de beaux jours devant lui. C’est très efficace, mais ce n’est pas indolore pour les finances publiques. Sur une année pleine, si les cours s’envolent, cela s’évalue non pas en milliards, mais en dizaines de milliards d’euros.
Le quoi qu’il en coûte, à peine terminé, va reprendre du service. Restera évidemment l’essence, dont le prix n’est pas bloqué. Lundi, avant même la hausse du baril de mercredi, les carburants avaient atteint un nouveau record, 1,81 euro le litre de sans plomb 95 et 1,74 pour le gazole.
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