Ce mercredi, au cours de son interview télévisée à l'Élysée, Emmanuel Macron a annoncé une "contribution" des entreprises qui effectuent des rachats d’actions.
Le rachat d'actions consiste pour une entreprise, par définition cotée à la bourse, à racheter ses propres actions, avec l’argent de ses profits. En 2022, selon la lettre Vernimmen, les entreprises du CAC 40 ont ainsi racheté pour 23,7 milliards d’euros de leurs propres actions. Par exemple Totalenergies, en 2021, en a acquis pour 7 milliards de dollars, c’est-à-dire 5% de son capital. Le mouvement s’accélère, il est mondial, et particulièrement prononcé aux États-Unis, à Wall Street. Apple rachète pour 90 milliards de dollars d’actions par an. Les actions ainsi rachetées sont généralement détruites.
Cela a deux effets, tous deux
favorables à l’actionnaire. Premièrement, ça fait monter le cours de l’action,
mécaniquement, s’il y a un gros acheteur en plus sur le marché. Le détenteur
d’action en profite donc. Deuxièmement, les actions rachetées étant détruites, il en
reste moins sur le marché. Ainsi le bénéfice par action est plus élevé, et le
dividende versé à l’actionnaire également.
L’envol de ces rachats d’actions est un signe de plus de la prééminence de l’actionnaire. En France l’année dernière, pour le CAC 40, les actionnaires du CAC 40 ont reçu 23,7 milliards grâce à ces rachats, et 56 milliards avec les dividendes, c’est-à-dire la part des bénéfices qui leur revient. Toujours selon Vernimmen.
Pour l'entreprise ça n'a donc aucun intérêt parce que c’est de l’argent qui ne va pas à l’investissement. Alors, les économistes libéraux vous diraient que cet argent n’est pas perdu, et qu’étant retourné à l’actionnaire, il va être recyclé et réinvesti ailleurs. De grands patrons vous disent aussi qu’ils n’ont pas le choix, comme leurs concurrents pratiquent les rachats d’actions, il faut qu’ils s’alignent, faute de quoi leur cours baisse et ils sont rachetés. C’est un argument.
Cela signifie que les
entreprises gagnent trop d’argent et qu’elles profitent d’un
rapport de concurrence très favorable, qui leur permet de vendre bien plus cher
qu’il ne faudrait leurs produits. Certes grâce à leur travail, leur avance
technologique, à leur marketing ou leur design. C’est le cas d’Apple par
exemple, ou des produits de luxe LVMH chez nous, qui fait des marges très élevées.
Emmanuel Macron ne veut pas un impôt nouveau, contrairement à ce qu’ont décidé récemment les Etats-Unis, qui vont taxer ces rachats d’action – modestement, à 1%. Il s’agirait d’imposer une contrepartie pour les salariés. Une entreprise ne pourrait se lancer dans un rachat d’action que si elle verse une partie de l’argent à ses salariés, sous la forme d’une prime exceptionnelle.
L’idée est séduisante. Mais elle ne sera pas facile à mettre en œuvre. Il faudra d’abord trouver le bon mécanisme, le bon seuil de déclenchement, et qu’il soit compatible avec la législation européenne. D’autre part, ce mécanisme s’ajouterait à celui de l’actionnariat pour les salariés, que les entreprises du CAC 40 utilisent déjà largement. Et à l’accord sur le partage de la valeur, qui vient tout juste d’être signé par les partenaires syndicaux.
Sans compter les dispositifs d’intéressement et de
participation. On reste en France, royaume de la complexité réglementaire. Mais,
au plan politique, cette initiative aura au moins l’avantage, pour l’exécutif,
d’un petit rééquilibrage en faveur de la justice fiscale.