Pour commencer la semaine nous allons rire un peu avec les gendarmes. Et ça ne nous fera pas de mal vu qu'en ce moment, entre les forces de l'ordre et la population, c'est parfois un peu tendu. Dans les Vosges, les gendarmes sont vraiment là où on ne les attend pas. Avec un compte Twitter très loin de la communication institutionnelle, leur tactique c'est l'humour grinçant. C'est à lire dans M le mag, le magazine du Monde.
Et comme un bon exemple vaut mieux qu'un long discours, jugez vous-même. Voici un petit message de prévention quand vous prenez le volant en hiver : "Par temps froid, les animaux sont attirés par la chaleur des moteurs venant de tourner. Si vous entendez miauler, pensez à soulever le capot. Si vous entendez meugler, pensez à... Non, rien". Sur la photo : une bonne grosse vache noire et blanche vautrée sur le capot d'une belle berline.
Chaque jour, depuis deux ans, le lieutenant-colonel Brice Mangou et deux de ses adjoints consacrent leur temps libre à produire deux messages de ce genre. Informatif, préventif mais aussi corrosif. "Quand on est arrivé sur Twitter, dit le gradé, nos messages étaient assez institutionnels, on a vite vu que c’était une communication inaudible. Alors, on a institué des messages plus décalés, et ça a cartonné", raconte-t-il. @Gendarmerie088 affiche aujourd'hui 22.000 followers.
La nuit, les écureuils descendent de leurs arbres pour les fumer
@Gendarmerie088 sur Twitter
L'état-major parisien valide : "On n'est pas là pour brider les talents", a-t-il commenté. Et du talent, ils en ont : une créativité pétrie de pop culture, avec des références au Seigneur des Anneaux, au dessin animé Pat patrouille ou à Alien, tout cela signé d'un petit cœur bleu, pour adoucir des messages parfois furieusement grinçants.
Exemple au moment des grandes balades à vélo du printemps : "Nous rappelons aux cyclistes, débutants ou confirmés, qui passent aux feux rouges ou zigzaguent frénétiquement, que chaque individu est présumé donneur d’organes depuis la loi Caillavet du 22 décembre 1976", ou encore, pendant les périodes de canicule, qui dessèchent les forêts de sapins : "S’il vous plaît, ne jetez pas vos mégots par terre dans le massif vosgien. La nuit, les écureuils descendent de leurs arbres pour les fumer. Or les agents de l’Office national des forêts essaient de les faire arrêter".
Nos pandores s'occupent aussi du respect du confinement : "Bonjour, nous vous rappelons que parler à vos animaux, plantes ou objets pendant une période de confinement est tout à fait normal ! Mais s’ils vous répondent, il faudra nous appeler. Même s’ils vous disent de ne pas le faire !", ont tweeté les gendarmes. Et de temps en temps, ils nous font partager leur vie quotidienne à la gendarmerie : "Visioconférence cet après-midi. Avez-vous remarqué comme les visio ressemblent étrangement à des séances de spiritisme – Major, êtes-vous là ? – Major, est-ce que vous nous entendez ? – Major, si vous êtes là, faites-nous un signe", écrivent-ils avec humour.
Le but, évidemment, c'est de recréer du lien, "dédramatiser la relation", dit Brice Mangou, et "sortir de l’image réductrice qu’on a de la gendarmerie : GIGN, radars, Gendarme de Saint-Tropez". Les community managers ne retweetent jamais personne et ils pèsent chaque mot de leurs posts. Pas de polémique, et ils l'affichent : "Cela ne fera jamais aucune différence que vous soyez un homme ou une femme, blanc ou noir, homo ou hétérosexuel. À nos yeux, vous êtes TOUS de possibles contrevenants". Ce style décalé a fait des petits, en Charente-Maritime, en Ardèche, en Seine-et-Marne... mais les gars d'Epinal ont une longueur d'avance.
D'ailleurs, ce n'est plus 22.000 followers, mais 24.000 désormais grâce à l'article du Monde. Bien sûr, ils ont réagi : "Ça fait quand même quelque chose ! On sait maintenant ce que ressentent les candidats de The Voice lorsque les quatre fauteuils se retournent". Les farces de l'ordre, article à lire dans M le mag cette semaine.