Il y a cinq ans, l’idée, alors radicale, du paquet neutre étaient avancée sans apparemment rencontrer d’écho. Apparemment. Car le vendredi 20 mai, cette idée va s’imposer aux industriels qui ne pourront plus produire que des paquets de cigarettes neutres. Du coup, d’autres propositions, qui nous paraissent extravagantes aujourd'hui, sont sans doute à prendre au sérieux. Comme celle, détonante, de Jean-Louis Touraine (rien à voir avec Marisol Touraine, la ministre de la Santé). Médecin et ancien fumeur, le député du Rhône veut interdire le tabac à tous les jeunes nés au XXIème siècle. Comme il est très difficile de s’arrêter de fumer, son idée c’est de ne jamais commencer.
Aujourd'hui, un jeune né après janvier 2001 est mineur. Un buraliste n’a pas le droit théoriquement de lui vendre des cigarettes. Le député voudrait que, quand ce jeune atteindra sa majorité (en 2019), il ne puisse toujours pas acheter des cigarettes. Il souhaite qu’on interdise, d’année en année, aux jeunes de 18 ans d’acheter dans des bureaux de tabac comme leurs aînés.
Il ne plaide pas pour une prohibition mais pour, que très progressivement, dans les décennies à venir les bureaux de tabac disparaissent. Il veut qu’on invente un autre système de vente légale de tabac, mais moins visible. Plus difficile d'accès pour le consommateur. Le but de Jean-Louis Touraine, c’est de donner naissance à la première génération de non-fumeurs.
"Il s'agit d'une mesure qui apparaît un peu révolutionnaire, un peu avant-gardiste qui demain sera réalité, empruntant la même voie que le paquet neutre : sa première présentation a fait rire", dit-il. "Si tous ceux qui sont nés au XXIème siècle ne peuvent plus acheter de tabac, naturellement la consommation va reculer non pas jusqu'à un horizon zéro comme les plus utopistes le rêvent, mais un horizon de moins de 10% dans la population. C'est une évolution du monde", poursuit-il.
Moins de 10% de fumeurs, c’est quasiment un monde sans tabac. Aujourd'hui en France, on est à 30%. En Grande-Bretagne et aux États-Unis, on avoisine les 15%. À New York, la cigarette a littéralement disparu de l’espace public. On exagère à peine : les seuls fumeurs qu’on voit sont les touristes français à Central Park, où c’est interdit de fumer.
Les Français seraient-ils prêts à aller vers un tel modèle ? Il y a des signaux contradictoires : la consommation de tabac est en hausse chez les lycéens, mais en baisse chez les collégiens. Dans l’opinion, l’idée d’une prohibition totale du tabac progresse rapidement. Quatre Français sur dix y sont favorables actuellement (ils étaient trois sur dix en 2008).
On assiste à ce qu’on appelle une "dénormalisation" du tabac. Avant, fumer était la norme (70% des hommes le faisaient en 1970). Les plus anciens ont connu les restaurants fumeurs, le jean de retour de soirée à mettre systématiquement au lave-linge, ou encore les wagons fumeurs. "Fumer dans un train est devenu un acte de transgression plus fort que de fumer du cannabis", explique François Beck, de l’Observatoire des drogues et des toxicomanes.
On n'est pas encore aux États-Unis où fumer est désormais un handicap pour décrocher un emploi. Mais un monde où le tabac deviendra minoritaire s’esquisse en France et dans les pays occidentaux. Les cigarettiers savent bien que leur croissance et leur avenir se trouvent dans les pays pauvres. C'est là qu’ils "mettent le paquet", qui n’est pas prêt de devenir neutre.
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