Les Trésors RTL vous replongent aujourd'hui en 2007. La France a un nouveau Président : au revoir Jacques Chirac, bonjour Nicolas Sarkozy. Un nouvel opéra politique s'ouvre. Le vrai celui du Bel Canto perd son plus grand ténor. L'ogre, Luciano Pavarotti, était la voix orgueilleuse de Verdi, celle de l'Abbé Pierre était celle des déshérités et des oubliés. Henri Grouès, alias l'Abbé Pierre, le curé des pauvres avait 94 ans.
Il aura traversé le siècle en sandales. Brutalement célèbre en ce glacial hiver 1954, révolté par la mort de froid d'une femme expulsée de son logement, il pousse sans prévenir la porte de Radio Luxembourg, l'ancêtre de RTL. Le béret, la pèlerine, ce visage émacié mangé par une barbe mitée et ce regard lumineux dessinent la silhouette reconnaissable entre mille d'un nouveau bon samaritain en pleine révolte.
Cette France des années 1960 est celles des 30 Glorieuses. Pourtant, elle a faim, elle a froid. Partout des bidonvilles, les plus grands d'Europe, aux portes de Paris. On les aperçoit depuis l'Arc de Triomphe. C'est à Neuilly-Plaisance, en banlieue parisienne, que le curé accueille depuis la fin de la guerre, les peuples de l’infortune, les cabossés de la vie. La communauté Emmaüs, ces chiffonniers, son bric-à-brac sont une nouvelle Arche de Noé. "Si l'on peut sauver quelques hommes", dit le curé, "alors on pourra sauver l'humanité".
Mort le 22 janvier 2007, l'Abbé Pierre n'aura pas assister aux exploits du siècle naissant : le TGV qui dépasse les 574 km/h. Il n'aura pas été au chevet des soubresauts d'un monde malade : 32 étudiants tués sur le campus américains de Virginia Tech, des nuits de violence qui embrasent Villiers-le-Bel et les banlieues. Sa colère à lui, l'Abbé Pierre l'a toujours entretenue comme un feu couvant au plus profond de lui-même et le réchauffant sans cesse. Exister, bouger, parler jusqu'au bout avec cette dernière parole qui semble peu à peu s'éteindre dans le studio de RTL. L'ombre d'un vieux guerrier quittait ce soir-là les lieux où son appel avait changé l'époque.