Retards de paiement, rayons vides… Shein met le BHV dans la tourmente

Est-ce bientôt la fin du Bazar de l’Hôtel de Ville (BHV) ? Le grand magasin parisien, ouvert en 1856 sur la place de l’Hôtel de Ville, est dans la tourmente depuis l’annonce de la future installation de la marque d’ultra fast fashion Shein, au 6e étage. Celle-ci a été faite la semaine dernière par la marque ainsi que la Société des Grands Magasins (SGM), qui a racheté le fonds de commerce du BHV aux Galeries Lafayette en 2023.

Plusieurs enseignes ont déjà annoncé qu’elles retireraient leur corner, ces espaces dédiés à une marque où les achats sont encaissés par le BHV, puis reversés moyennant une commission. C’est le cas d’AIME, une marque de cosmétiques dont la cofondatrice Mathilde Lacombe s’est dite "profondément choquée" par l’accueil d’une marque régulièrement accusée de pollution environnementale et de conditions de travail indignes. 

Parmi les marques sur le départ, on trouve aussi Culture Vintage, Talm, Farrow & Ball (peinture et papier peint), Swarovski ou American Vintage. Les thés Mariage Frères ont suspendu leurs ventes et d’autres sociétés ne livrent plus de marchandises, ont indiqué à l’AFP les syndicats CFTC, CFE-CGC, CGT et SUD-Solidaires.

Des retards de paiement avaient déjà fragilisé le BHV

Mais l’arrivée de Shein n’est qu’un coup de plus pour le BHV qui était déjà boudé par plusieurs marques. C’est le cas du Slip Français, qui l’a quitté il y a deux semaines après dix ans de collaboration : "C'est un partenaire en qui on n'avait plus confiance", a déploré auprès de l'AFP le fondateur de la marque de sous-vêtements, Guillaume Gibault, invoquant "plus d'un an d'impayés" pour lesquels des "procédures" judiciaires sont "en cours". 

Il pointe du doigt l’arrivée de SGM et assure que l’accord avec Shein "n'a fait que confirmer qu'on avait pris la bonne décision". La marque de sous-vêtements Maison Lejaby a d’ailleurs quitté le BHV la semaine dernière pour la même raison. Sollicitée par l’AFP, la SGM assure que les retards de paiement, de plusieurs millions d’Euros, sont transitoires. En cause, selon elle, la mise en place d’un nouveau système de comptabilité automatisé.

Des rayons vides

Cette vague de départs conduit à des allées qui se vident de plus en plus. Les vendeuses et vendeurs du BHV se retrouvent donc à indiquer des enseignes concurrentes à leurs clients : "Comment peut-on servir les clients s’il n’y a pas de produits ?" La fréquentation pourrait encore baisser avec l’arrivée de Shein, redoutent les syndicats.

Autre source d’inquiétude pour le BHV : les murs doivent être rachetés par SGM aux Galeries Lafayette avec l’aide de la Caisse des Dépôts, mais le groupe a déclaré ne "pas cautionner" l’alliance avec Shein. "Si cela fait capoter le rachat des murs et qu'il (SGM) n'a pas de solution derrière, Shein ou pas, il n'y aura plus de BHV", s'alarme Florine Biais (CGT). Mardi, une intersyndicale CFDT-FO-CFE-CGC a exprimé son refus du projet, que le groupe Galeries Lafayette a promis d'empêcher.