Pour apprendre à se protéger, des professeurs s'entraînent au self-défense

Les professeurs cherchent des solutions pour se défendre. Ils sont près de 100.000 enseignants à être agressés ou menacés dans les établissements scolaires chaque année en France, selon un rapport du Sénat publié début mars qui pointe une violence endémique dans les établissements scolaires. Certains enseignants ont donc décidé d'apprendre à se défendre.

À Gauchy, près de Saint-Quentin dans l'Aisne, plusieurs professeurs sont désormais inscrits à des cours de self-défense. Depuis quelques semaines, les tatamis jaunes du dojo de Gauchy ont accueilli de nouveaux adhérents, sous la houlette de Sandrine et Yann Boju les deux présidents du club d'arts martiaux. En décembre dernier, quelques semaines après l'attentat d'Arras, ils ont tout simplement décidé de proposer une initiation de self-défense aux professeurs de leur commune.

"Il y a eu Samuel Paty, il y a eu Arras, il y en a eu plusieurs. On a ressenti le besoin de transmettre notre savoir, on a eu une vingtaine d'enseignants et il nous en reste quatre qui ont adhéré", explique Yann Boju. Ils apprennent dans ce cours les techniques de bases.

Une réelle attente chez les professeurs

Pour les enseignants comme Joël Accart, bientôt à la retraite, le cours répond à une réelle attente. "On ne pensait pas à l'époque à l'agression, ça a un petit peu changé. On a peur d'une situation inattendue, d'une seconde à l'autre, ça dégénère et après sa part en vrille. On ne devrait pas en arriver là, à aller au collège ou au lycée la peur au ventre", regrette-t-il. 

C'est donc pour tenter de se rassurer en cas de danger que ces professeurs se mettent au self-défense. Comme Margaux, une professeure d'arts plastiques de 23 ans. Elle a commencé à enseigner au collège près de Saint-Quentin en septembre dernier. En octobre, elle participait à l'initiation. 
"Sur le coup, je n'y avais pas spécialement pensé, mais avoir ces cours, ça permet de se sentir un peu plus en sécurité. De toute façon, je le vois, il y a des enfants de 14-15 ans qui ont 15-20 centimètres de plus que moi. J'en ai même qui sont très costauds par rapport à moi donc s'ils décident de m'attaquer, on ne sait pas ce qui peut se passer", explique-t-elle. 

"Je ne dis pas que j'aurai toute suite le réflexe, mais on se sent déjà plus en sécurité avec son corps et ça permet aussi de maîtriser ses mouvements" ajoute Margaux. Tout cela, Sandine Boju le sait très bien, avant d'être instructrice fédérale ceinture noire de karaté, elle était directrice d'école. Elle sait ce que le self-défense peut apporter : "J'ai été une fois confronté à un Monsieur qui avait vraiment l'intention de venir me frapper. Il n'est pas tombé sur la bonne personne parce que je l'ai vu arriver dans le couloir, le bras levé, prêt à me frapper. Je me suis approchée de lui jusque sous son nez et forcément, ça l'a complètement déstabilisé et il a fait demi-tour", raconte-t-elle.

Les familles d'élèves impliquées dans 30% des incidents à l'école

En France, selon le dernier rapport du Sénat, les deux tiers des établissements du secondaire (collège/lycée) déclarent avoir vécu au moins un incident grave lors de l’année scolaire 2021-2022. Les familles des élèves sont impliquées dans 30% des incidents à l'école. Un climat de plus en plus tendu qui inquiète même les professeurs expérimentés. 

C'est pour cela qu'Agnès Devassine s'est également inscrite. Enseignante depuis 40 ans et directrice de classes SEGPA, avec des élèves en difficultés, elle a vu les comportements évoluer. "Depuis la période covid, les gens sont beaucoup plus agressifs dès qu'il y a à supporter la frustration et montent très vite dans l'agressivité", assure-t-elle 

Dans son cours, l'instructeur Yann Boju admet qu'il reçoit de plus en plus d'adhérents qui se sentent vulnérables au travail. "Tout ce qui est aide-soignante, enseignant, infirmière, ce sont des gens qui sont au contact d'une population de plus en plus agressive aujourd'hui. Ce n'est pas normal". Des représentants de l'État qui sont bien souvent des représentantes. Le self-défense est l'une des rares disciplines du club à accueillir plus de femmes que d'hommes.

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