Mentir... à ses proches, à son travail, aux autorités
REPLAY - Écoutez ou réécoutez La Revue de Presse de Adeline François du 24 septembre 2015.
Isabelle et Godfrey sont les parents de deux petites filles, Sarah et Charlotte, deux sœurs qui ont dix ans d'écart et qui s'adorent. Une famille heureuse, un bonheur sans nuage jusqu'en 1967 et le suicide de Sarah, à l'âge de 24 ans, une balle dans la tempe. Personne n'a compris. Incapable d'affronter la vérité, les parents, sous le choc ont pratiqué l'amnésie volontaire. De Sarah, ils ne parleront plus jamais. Laissant Charlotte seule dans son deuil. Plus de 40 ans sans jamais en parler...
Et puis Charlotte, n'y tenant plus, a demandé il y a quelques années à son père de lui montrer les photos de famille. Impossible, il s'en est débarrassé à la mort de Sarah : il a rempli un carton et l'a posé sur le trottoir. À l'intérieur, des années entières, des visages, Sarah et Charlotte bébé en robe à smocks, puis plus tard en bikini sur la plage, et puis le journal intime de Sarah... De ce trésor, il ne restait plus rien... jusqu'à il y a quelques mois. Un homme s'est présenté au domicile de Charlotte, avec un carton sous le bras. Il est brocanteur, il a reconnu l'adolescente sur les photos. "Ca vous intéresse ?" Qui ne le serait pas? Charlotte a racheté son passé à un brocanteur... Elle a décidé d'en faire un livre, qui s'appelle "Qui je suis" et c'est le magazine Gala qui en publie des extraits ce matin, avec quelques unes des ces photos en noir et blanc, sur lesquelles on peut voir le bonheur des deux frangines, et où l'on reconnait déjà le regard si particulier, si grave, de Charlotte Rampling...
Tromperie institutionnalisée
Le mensonge est aussi en une de Libération ce jeudi. "Métro boulot pipeau", titre le quotidien, avec une enquête très originale sur la façon dont l'organisation de l'entreprise actuelle pousse les salariés à mentir. Le scandale Volkswagen est sans doute l'illustration paroxystique de ce mensonge en entreprise : un ouvrier de chez Renault en témoigne, il y a ce que l'on promet dans les pubs, et puis il y a la réalité des chaînes de montage, et là c'est une autre histoire. D'ailleurs il n'y a jamais eu autant de rappels de voitures !
Et tous les secteurs sont touchés, même le secteur bancaire pourtant soumis à une réglementation stricte. Une employée de la Caisse d'épargne témoigne : "Officiellement la direction dit qu'il faut proposer des produits adaptés aux gens, mais dans les faits, elle nous pousse à vendre toujours plus. Quand on a un client en face, on se dit toujours : 'Il faut que je lui colle une assurance'. Et on en arrive à vendre une garantie prévoyance à une personne âgée qui n'a pas d'héritier".
Mensonge institutionnel aussi à Pôle emploi. Un ancien agent raconte : "J'ai mis un peu de temps à comprendre que lorsqu'un conseiller disait : 'Aujourd'hui, j'ai fait de la gestion de listes', ça voulait dire qu'il avait radié un chômeur. À Pôle emploi, il y a un système d'euphémisation permanente qui est une forme de mensonge à soi-même".
La tromperie généralisée génère non seulement des formes de souffrance assez graves pour les employés, mais aussi une rupture de confiance avec les clients, explique un psychologue spécialiste du monde du travail et auteur du livre "Mentir au travail". Il a enquêté dans les centres d'appels téléphoniques pendant plusieurs années et y décrit les souffrances éthiques qui peuvent conduire au "burn out", et avant cela à la trahison de soi.
Ces migrants obligés de s'inventer un passé
Le Washington Post a enquêté auprès des réfugiés et des migrants près de la gare de Vienne, en Autriche. Pour obtenir le statut de réfugié, des Iraniens prétendent faire partie des Yézidis, une minorité d'Irak persécutée. Des Indiens qui ne parlent pas arabe disent venir de Damas. Des Pakistanais, Albanais, Égyptiens, Kosovars, Somaliens et Tunisiens, en provenance de pays de grande pauvreté et de violence, mais où il n'y a pas la guerre.
C'est ainsi que la vente de faux passeports syriens est devenu un commerce florissant. Plusieurs journalistes ont réussi à en obtenir un pour 200 dollars en Croatie, en Serbie et même en Autriche. L'agence Frontex explique, toujours dans le Washington Post, que les pays européens envoient désormais à leurs frontières "des interprètes pour évaluer les accents" et ils posent "des questions géographiques pour éliminer les imposteurs".
De cartel en cartel
Il y a aussi ceux qui mentent en groupe, on appelle cela un cartel. Vous avez aimé le cartel des fabricants de lessive, ensuite il y a eu le cartel des yaourts, et voici le cartel des... compotes ! Le Figaro économie révèle que l'Autorité de la concurrence a "procédé cette semaine à des visites inopinées et des saisies pour des soupçons de pratiques anticoncurrentielles dans le secteur des 'fruits transformés en coupelles et en gourdes'". En clair, une entente sur les prix pour organiser les promos, une répartition des marchés et des pratiques de boycott.
Et comme pour chaque scandale de cartel, il y a une entreprise qui dénonce ses camarades pour se mettre a l'abri des poursuites, et selon Le Figaro, c'est Andros qui a balancé. Les contrôles opérés cette semaine ont concerné Materne, Andros, St Mamet et la marque Charles et Alice.
