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Marseille : à la prison des Baumettes, un restaurant qui favorise l'insertion des détenus

PODCAST - Un restaurant ouvert au public au cœur de la prison des Baumettes à Marseille. Les Beaux Mets, le restaurant-chantier d'insertion en milieu carcéral, est ouvert depuis novembre 2022. Derrière les fourneaux et au service, des détenus. La Fondation d'entreprise du groupe M6, qui œuvre en faveur de la réinsertion des personnes détenues, soutient le projet. C'est ainsi qu'a eu lieu une masterclass exceptionnelle avec Arnaud Delvenne, finaliste en 2022 de l'émission "Top chef". L'occasion pour Étienne Baudu de faire le point sur ce projet inédit en France et qui tient toutes ses promesses.

La master classe aux Beaux Mets avec Arnaud Delvenne, Top Chef 2022 sur M6
Crédit : Caroline Dutrey
PRISON - Immersion dans le premier restaurant au cœur des Beaumettes à Marseille
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RTL ÉVÉNEMENT - Aux Beaux Mets, des détenus derrière les fourneaux et au service
00:03:40
Etienne Baudu
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À les entendre en cuisine, les sept détenus et Arnaud Delvenne s'entendent comme larrons en foire. Le chef est là pour leur apprendre une recette qui sera sur la carte, un risotto à la chlorophylle d'épinard et d'estragon. Le courant passe à merveille entre les apprentis cuistots et le finaliste 2022 de "Top chef".

Pour Arnaud Delvenne qui a travaillé en Belgique comme cuisinier dans une prison, cet outil de réinsertion est formidable : "J'ai travaillé pendant 5 ans dans cette prison. J'ai demandé au directeur de changer de service. Ça m'a été refusé, j'ai un peu forcé parce que je n’aime pas qu'on me dise non, donc je suis rentré en cuisine avec mes autres collègues. Après, j'ai passé 3 ans avec les détenus. J’avais 14 détenus tous les jours pour préparer plus ou moins 1.000 repas matin, midi et soir avec un coût qui était vraiment minime. Et c’est l’une de mes plus belles expériences professionnelles, parce qu'on apprend à se découvrir et à découvrir l’humain aussi."

Très enthousiaste, Arnaud Delvenne poursuit : "Ce restaurant Les Beaux Mets est un outil de réinsertion formidable. Le format est différent de celui en Belgique. Nous, on n’a pas de restaurant d'application, donc moi, je cuisinais avec des détenus, mais pour les autres détenus. Ici, ils le font pour des clients et c’est la grande différence. Je trouve le projet vraiment super cool. Pour les détenus, on parle tout le temps de réinsertion, mais en réalité, il n’y en a pas vraiment. Ce que j'ai retenu quand je travaillais dans les prisons, c'est que la seule punition qu'ils ont, c'est l'enfermement."

Je ne suis personne et je ne vais pas changer le système mais je pense que depuis quelques années on arrive à prendre conscience qu’il y a moyen de faire quelque chose avec eux.

Arnaud Delvenne, Top chef 2022

C'est donc un formidable moyen pour le jeune Belge de transmettre sa passion. "Alors, je ne suis personne et je ne vais pas changer le système, mais je pense que depuis quelques années, on arrive à prendre conscience qu’il y a moyen de faire quelque chose avec eux, et que ces projets-là peuvent très salvateurs. Pour les détenus, c'est une bulle d'oxygène et en plus si ça peut leur permettre de trouver du boulot, c'est parfait", explique-t-il.

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Ils sont déjà deux à avoir décroché un travail en restaurant à leur sortie. Il y en a même un qui s'est découvert un vrai talent et qui va passer un CAP en sortant. Les autres sont encore en formation et vont bientôt sortir.

Préparer avant tout sa réinsertion après sa sortie de prison

Le programme du chantier d’insertion des Beaux-Mets dure quatre mois. Il prévoit un accompagnement complet des détenus, du recrutement jusqu’après la sortie, afin de construire un véritable projet professionnel. Chaque programme comprend 13 personnes, 7 commis en cuisine et 6 commis de salle pour le service. Tous sont en fin de peine. Le but : acquérir des connaissances professionnelles et des compétences nécessaires à leur réadaptation dans la vie civile. 

La cheffe Sandrine Sollier avec Arnaud Delvenne. Cet atelier de réinsertion est un vrai saccerdoce pour elle
Crédit : Caroline Dutrey

En cuisine, c'est le rôle de la cheffe titulaire Sandrine Sollier qui a notamment travaillé avec le Chef triplement étoilé, Gérald Passedat à Marseille. Pour elle, cette formation est devenue en quelque sorte un sacerdoce : "Le fait de pouvoir aider les détenus à se réinsérer dans la vie sociale, de pouvoir retrouver un travail, c’est le but de ce chantier d'insertion. Ils ne sont pas obligés de finir cuisinier (...) C’est passionnant, ils sont en fin de peine, ils veulent sortir, ils veulent se réinsérer. Ils ont été punis pour les faits qu’ils ont commis, mais après, c'est vraiment le fait de les aider qui est primordial. Dehors, on va continuer à les suivre pour faire en sorte qu’ils s'en sortent, qu'ils ne reviennent pas ici".

Et justement, durant la première année, sur les 47 personnes détenues qui ont été accompagnées, 75 % des sortants ont trouvé un emploi ou une formation à leur sortie.

Amidou : Si j'y arrive, d'ici 3 ou 4 ans j’ouvrirai peut-être mon restaurant à moi !
Crédit : Caroline Dutrey

Amidou, lui est dans la dernière ligne droite. Il fonde tous ses espoirs dans cette réinsertion aux Beaux Mets : "Moi, je n'ai pas de travail. J’ai fait de l'intérim. J'ai fait un stage en insertion à La Table de Cana à Marseille. Je leur ai plu. Mais la cheffe Sollier veut aussi me faire travailler dans un vrai restaurant pour que je puisse dire après si je préfère travailler en collectivité ou en restauration. J’avoue que je préférerais la restauration. Ce sont des beaux plats ! Après, on verra. Si j'y arrive, d'ici 3 ou 4 ans, j’ouvrirai peut-être mon restaurant à moi !".

Repartir sur des bases plus saines

Marc Balthazar est maître d'hôtel et a la responsabilité de former les serveurs en salle. Ce dernier donne l’exemple d'un détenu qu’il avait pris sous son aile : "Son parcours de vie fait qu'il ne faisait plus du tout confiance aux gens. Il était très réticent à aller au contact des gens. Mais le fait d’être serveur lui a permis de renouer un dialogue, de reprendre contact. Il s'est rendu compte que tout le monde n'était pas méchant et du coup ça lui a vraiment redonné confiance. En lui et vis-à-vis des autres. Puis on leur dit qu’ils travaillent dans un restaurant d'insertion, avec les codes d'un restaurant d'application. Donc les clients savent qu’ils ne sont pas encore des professionnels. Ils n’ont pas à s’inquiéter, ici les gens ne leur en voudront jamais. Par conséquent, ils reprennent confiance en eux et c’est génial", s'exclame Marc Balthazar.

Marc Balthazar, le formateur des commis de salle. Les détenus peuvent lui dire merci !
Crédit : Caroline Dutrey

Un réapprentissage de la vie en société

Alors la formation aux métiers de la restauration, c'est une chose, mais au-delà, c'est en fait, on le voit bien, tout un réapprentissage de la vie en société que propose ce programme. Il faut préciser d'abord que la vie en prison, il faut bien l’avoir en tête, n'est pas gaie tous les jours. Pour Agnès, venir aux Beaux Mets est une bulle d'oxygène : "Franchement, ici, c'est bien, c'est bénéfique. Parce qu’en cellule, c'est invivable. Enfin, c'est vivable, mais après, ce n'est pas comme ici. Ici, on voit des gens de l'extérieur. En cellule, on s'ennuie, on n'a que les promenades pour nous divertir. Mais on en a une première le matin et une deuxième l'après-midi. Et maintenant, si on n’a pas le resto, c'est dur de garder le moral", confie-t-elle.

Belkir veut reprendre sa vie en main
Crédit : Caroline Dutrey

Belkir lui a 28 ans. Après une détention qui ne se passe pas très bien, il décide d'intégrer la SAS, la structure d'accompagnement à la sortie, un choix qu'il ne regrette absolument pas : "J'ai mis en place plusieurs choses pour ma réinsertion. J'ai mis en place les suivis avec un psychologue, un travail sur moi-même l'addictologie pour ne plus fumer, ainsi qu'un projet professionnel. Là, je suis en restauration, là où on doit toujours avoir une chemise propre et repassée, tu dois être clean. Ça pourra servir pour mes entretiens futurs, ça pourra servir aussi sur d'autres postes de travail et pas seulement dans la restauration", admet le jeune homme.

Le détenu doit aussi apprendre à être ponctuel, se retrousser les manches, ainsi que se subordonner à la cheffe Sollier : "C'est un peu inhabituel pour les mecs de suivre la cheffe. C'était un peu bizarre au début, mais on finit par s'y faire", avoue Belkir.

Ce dernier veut donc reprendre sa vie en main. "Je vais pouvoir revoir ma fille, je vais pouvoir faire des démarches pour mettre en place une garde alternée, je vais pouvoir faire tout ce qui est bénéfique pour moi et ma famille, je repars à zéro, pour une nouvelle vie qui sera dans le droit chemin", affirme-t-il.

En-tout-cas, la masterclasse d'Arnaud Delvenne a remporté un franc succès. Une opération à réitérer, explique Marion Ohran de la Fondation M6. "C'est un projet qui fonctionne, qui est ouvert au public, dont les retours sont très satisfaisants. Les clients sont très intéressés par la cause donc c'est un projet qui change le regard sur la prison et sur la réinsertion, la formation des personnes détenues. Et puis c’est également la valorisation de ces personnes-là qui en arrivant au restaurant mettent une belle tenue professionnelle et donc pour moi, c'est un projet passionnant. Ce sont des projets qu'on pourrait tout à fait soutenir dans d'autres prisons françaises. C'est un projet inédit dans la sphère gastronomique française donc à voir si d'autres ont envie de s'en saisir !"

À noter que le restaurant les Beaux Mets est ouvert les midis uniquement, du lundi au vendredi. Il faut s'inscrire 72 h à l'avance, fournir une pièce d'identité et les téléphones sont proscrits à l'intérieur du restaurant. Cela reste une prison. Malgré tout l'établissement, qui est installé dans le seul bâtiment survivant des Baumettes historiques, dispose de 40 couverts et dévoile une décoration chaleureuse, tons ocre et bois. Vous aurez même droit à un cocktail de bienvenue, sans alcool évidemment.

L'objet de la Master classe : le risotto à la chlorophylle d'épinard et d'estragon
Crédit : Caroline Dutrey
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