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Marseille : visite des Beaux Mets, le restaurant-chantier d'insertion en milieu carcéral
Depuis novembre 2022, un restaurant pas comme les autres a ouvert ses portes dans la prison des Baumettes à Marseille : Les Beaux Mets, avec derrière les fourneaux et au service, des détenus.
Les apprentis cuistots autour d'Arnaud Delvenne
Crédit : Caroline Dutrey
Les Beaux Mets est un restaurant semi-gastronomique qui accueille des clients. Un projet porté par l'association Festin et l'administration pénitentiaire. Derrière les fourneaux et au service, des détenus. Au-delà de bien y manger, l'objectif est de faciliter la réinsertion des personnes en détention. Nous nous sommes rendus dans ce restaurant qui accueillait pour une masterclass exceptionnelle, Arnaud Delvenne, finaliste l'an passé de Top Chef sur M6. L'occasion de faire le point sur ce projet inédit en France et qui tient toutes ses promesses.
À les entendre en cuisine, les sept détenus et Arnaud Delvenne s'entendent comme larrons en foire. Le chef est là pour leur apprendre une recette qui sera sur la carte, un risotto à la chlorophylle d'épinard et d'estragon. Le courant passe à merveille entre les apprentis cuistots et le top chef. Et pour Arnaud Delvenne, qui a été en Belgique cuisinier dans une prison, cet outil de réinsertion est formidable : "Moi je cuisinais avec des détenus mais pour les autres détenus. Ici, ils le font pour des clients. C’est complètement différent, l’approche n’est pas la même. Depuis quelques années, on arrive à prendre conscience qu’il y a moyen de faire quelque chose avec eux, il y a du sens dans ces projets comme les Beaux Mets. Je trouve que c'est très salvateur pour eux, c'est une bulle d'oxygène et en plus ça peut leur permettre de trouver du boulot".
Et justement, ils sont deux déjà à avoir décroché un travail en restaurant à leur sortie. Il y en a même un qui s'est découvert un vrai talent et qui va passer un CAP en sortant. Les autres sont encore en formation et vont bientôt sortir.
Préparer avant tout sa réinsertion après sa sortie de prison
Au-delà de la formation aux métiers de la restauration, c'est tout un réapprentissage de la vie en société qui s'opère sous l'œil de la cheffe titulaire Sandrine Sollier avec certains cas qui n'étaient pas gagnés d'avance. Elle raconte l’histoire d’un jeune apprenti : "Il n’était pas sociable en fait, il n’aimait pas parler aux gens. Il voulait travailler tout seul et finalement, il a réussi à briser la glace et à trouver sa place. Il a même réussi à intégrer un restaurant, celui de Ludovic Tursac à Marseille".
La cheffe Sollier est d’ailleurs assez fière du parcours de ce jeune homme : "C'est ça oui, réussir à le sociabiliser, lui apprendre à driver une équipe parce qu’il est devenu vraiment un bon chef de parti donc à expliquer aux autres à parler, à s'ouvrir. Pour lui, c'était compliqué mais il a bien réussi et ça c'est une fierté bien sûr".
La cheffe Sandrine Sollier et Arnaud Delvenne
Crédit : Caroline Dutrey
Belkir lui a 28 ans. Après une détention qui ne se passe pas très bien, il décide il y a 6 mois d'intégrer la SAS, la structure d'accompagnement à la sortie, une véritable bulle d'oxygène. Il a mis en œuvre tous les outils mis à sa disposition par l’administration pénitentiaire. "J'ai mis en place plusieurs choses pour ma réinsertion. J'ai mis en place un suivi psychologique pour effectuer un travail sur moi-même. J’ai participé à des séances pour lutter contre l'addictologie, pour ne plus fumer. J'ai travaillé mon projet professionnel, tout un tas de choses pour ma réinsertion. Là, je suis en restauration, là où on doit porter la chemise blanche, là où tu dois être clean. Ça pourra évidemment me servir pour mes entretiens futurs".
Pour tous les détenus, entrer en formation aux Beaux Mets, c’est également apprendre à arriver à l'heure et à se retrousser les manches. À accepter aussi l'autorité d'une femme, la cheffe Sollier. Et ce n’est pas si évident selon Belkir : "C'est un peu inhabituel pour certains mais on finit par s'y faire donc oui bien-sûr ça peut servir pour le futur aussi".
Je veux reprendre ma vie en main, dans le droit chemin
Belkir, 28 ans, apprenti serveur
Bref, Belkir veut reprendre sa vie en main, dans le droit chemin dit-il sérieusement. Il va pouvoir, affirme-t-il, revoir sa fille, faire des démarches pour mettre en place une garde alternée, "je vais pouvoir faire tout ce qui est bénéfique pour moi et ma femme, je veux reprendre ma vie en main, dans le droit chemin". Belkir hésite encore aujourd'hui. Continuer dans la restauration et ouvrir, en sortant, un restaurant avec un collègue codétenu, ou bien devenir grutier, un rêve d'enfant. Et pourquoi pas, l'objectif principal des Beaux Mets c'est avant tout préparer sa réinsertion après la prison.
Le restaurant les Beaux Mets est ouvert les midis uniquement, du lundi au vendredi. Il faut s'inscrire 72h à l'avance, il faut fournir une pièce d'identité et les téléphones sont proscrits à l'intérieur du restaurant.
