Le mouvement "Nuit Debout" va-t-il survivre aux nombreux débordements qui ont marqué les manifestations contre la Loi Travail en France ? Un pallier a été franchi jeudi 28 avril, avec des violences qui émaillé l'ensemble du territoire français. En marge de ces manifestations, le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve a annoncé le lendemain que 214 interpellations ont eu lieu, et que 78 policiers ont été blessés.
Ces violences se sont étendues place de la République où, presque chaque soir depuis sa création, le mouvement "Nuit Debout" est dispersé par les forces de l'ordre aux alentours d'une heure du matin. Un dispersement plus violent qu'à l'accoutumée (voir ci-dessous) avec, au final, 24 personnes placées en garde à vue.
"Nuit Debout" est comparé fréquemment au mouvement des "Indignés" en Espagne, entité qui est parvenue à se muer en un véritable parti politique entré au Parlement : "Podemos". À sa base, les "Indignés" avaient également connu des turbulences à Madrid, avec des affrontements violents entre les policiers et les manifestants. Mais le mouvement avait survécu. En sera-t-il de même avec "Nuit Debout" ?
L'opposition profite traditionnellement de ces violences pour mettre en cause la responsabilité du gouvernement, et de l'accuser de laxisme. Le Premier ministre Manuel Valls a ainsi rapidement répondu aux attaques de la droite et hausse le ton. Il a ainsi mis en cause vendredi 29 avril la responsabilité des organisateurs de la manifestation contre la Loi Travail. "Quand on organise une manifestation, elle doit être encadrée, organisée et maîtrisée, et à l'évidence aujourd'hui cette organisation et cette maîtrise n'existent pas", a accusé le Premier ministre depuis la Nouvelle-Calédonie où il est en visite.
Le gouvernement n'a pas encore mis en cause l'organisation de Nuit Debout, mais le nombre de voix s'élèvent à droite et à l'extrême droite pour réclamer l'interdiction du mouvement. Frédéric Péchenard a réclamé l'arrêt du mouvement ce vendredi sur RTL en affirmant qu'il faut rendre aux Parisiens la place de la République, devenue "un gigantesque urinoir" selon lui. Éric Ciotti (LR) accuse quant à lui le gouvernement de "mansuétude coupable", Louis Alliot (FN) préférant le terme de "mansuétude complice".
L'exécutif entend de son côté défendre la liberté de se rassembler et a dénoncé des propos de l'opposition "qui ne sont pas responsables". "L'autorité de l'État, ce n'est pas un État expéditif qui arrête et qui juge sans que les procédures n'aient été respectées et que les preuves n'aient été apportées", a rappelé le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve.
Les violences discréditent le mouvement
La "gazette debout"
Les violences des casseurs permettent aux forces de l'ordre de pouvoir répondre aux attaques. Dans leur objectif de maintien de l'ordre public, les policiers et gendarmes ne font pas forcément la distinction entre militants pacifiques et casseurs.
Quelques heures après les scènes de violences contre les forces de l'ordre de la manifestation contre la loi Travail, la place de la République, dispersée tous les soirs avec plus ou moins de tensions, a été le théâtre d'une dispersion beaucoup plus "musclée" qu'à l'accoutumée, comme en témoignent les images du Parisien.
Ces dernières montrent des militants de Nuit Debout évacués assez brutalement, traînés par les cheveux, avec des coups de matraque, alors que certains n'opposaient aucune résistance. Au total 24 interpellations ont eu lieu durant la soirée.
"On aurait voulu discréditer le mouvement Nuit Debout qu'on ne s'y serait pas pris autrement", écrit la Gazette debout, le journal du mouvement citoyen. "Nuit Debout" est, par définition, une entité qui ne possède pas de leader officiel, possédant une organisation horizontale. Le mouvement ne peut donc pas condamner officiellement les violences et a déjà été confronté à ce problème lors d'une précédente manifestation qui avait dégénéré. La réception hostile d'Alain Finkielkraut, qui s'est écharpé avec des personnes présentes place de la République, avait relancé ce débat.
Lors des assemblées générales, où tout le monde peut avoir la parole, certains avaient dénoncé une "violence contre-productive", tandis que d'autres assumaient "une diversité des pratiques", mêlant actions pacifiques et violentes. Une division qui ne permet pas au mouvement de distinguer et d'empêcher les fauteurs de troubles de revenir place de la République. Une boucle sans fin.