Au 14e jour de la crise des gilets jaunes, Paris Match témoigne de cette France périphérique, de ces territoires qui se sentent abandonnés. "Ici l'avenir a baissé le rideau", titre l'hebdomadaire dans une double page publiée jeudi 29 novembre.
Nous sommes une semaine plus tôt dans le centre-ville de Nevers. Mais ce pourrait être
Mende, Forbach, Privas, Saint-Omer, Guéret et tant d'autres petites villes. Seize photos disposées en mosaïque. Seize devantures de boutiques vides. "J'étais surpris de voir autant de rideaux fermés, raconte sur RTL Cyril Marcilhacy, photographe, membre du collectif ITEM. À force de se promener, on a vu qu'il y en avait beaucoup. Pour illustrer cette problématique, je vais faire une série un peu frontale. Un peu systématique."
Pâtisserie, boucherie, magasin de musique, café... Enseignes vertes, bleues, rouges, délabrées par le temps. Tous les rideaux sont baissés. Certaines vitrines ont même été habillées d'un décor en trompe-l’œil.
Le taux de commerces vacants à Nevers est de 20% - un des plus hauts de France. Dans ces rues désertes, quelques passant anonymes. "Parfois c'était en passant, à la volée. Et puis pour d'autres, j'avais plus de temps et je trouve ça plus vivant d'attendre qu'une silhouette passe. J'ai senti une forme de fatalisme de la part des habitants qui cherchent des solutions mais qui ont du mal à croire aux solutions qui sont proposées", témoigne Cyril Marcilhacy.
Cette mosaïque fonctionne en fait comme un double miroir inversé. Il y a d'abord le souvenir de ces centres-villes dynamiques des années 1970, 1980. Images d'Épinal d'une France couleur sépia avec le petit blanc au café du coin... À l'époque, Nevers rêvait de TGV, Pierre Bérégovoy triomphait.
Mais il existe aussi un autre décor - actuel, celui-ci : la zone commerciale en périphérie de la ville, devenue le principal lieu d'activité. "C'est vraiment un mall à l'américaine, explique Cyril Marcilhacy. On peut y passer des heures sans sortir. Le jour où on y est allé, le parking était plein."
Nevers, comme 222 autres communes, compte beaucoup sur les 5 milliards d'euros promis par le gouvernement pour revitaliser les centres-villes. En attendant, on se bat. On résiste. À coup de parking gratuits et d'opérations commerciales. Et on mise sur les start-up du numérique. "Nous sommes au cœur de la France et pourtant c'est le bout du monde", explique le maire dans Paris Match. Et c'est aussi ce bout du monde qui s'exprime dans le mouvement des "gilets jaunes" depuis quinze jours.
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