Des micro-organismes présents le tube digestif peuvent-ils soigner ? Le microbiote intestinal est en effet au cœur des réflexions à l'heure actuelle. Un colloque, organisé jeudi 19 octobre à Paris, était même centré sur cette question afin de mettre en lumière ce domaine de la médecine en plein essor et tenter d'harmoniser les recherches au niveau international.
Le microbiote, ou flore intestinale, désigne l'ensemble des bactéries, virus et champignons non pathogènes qui peuplent le côlon et l'intestin. Les découvertes récentes sur ce "micro-monde" niché dans le ventre ouvrent des perspectives pour mieux comprendre voire guérir des maladies aussi diverses que le diabète, l'obésité, les maladies inflammatoires de l'intestin, certains cancers.
Des ouvertures considérables qui pourraient même être l'avenir de la médecine. À l'heure actuelle, aucune certitude existe puisqu'on reste dans le domaine du "potentiel". Patrice Debré, professeur d'immunologie à l'Université Pierre et Marie Curie, explique en effet qu'aucune "preuve directe" n'existe concernant le possible lien entre microbiote et maladies.
Pourtant dès 2014, ce rôle était déjà évoqué dans les colonnes de La Croix : "La majorité des microbiologistes, gastro-entérologues et autres neurobiologistes s’accordent aujourd’hui pour affirmer que l’intestin et ses résidents bactériens sont bien plus qu’un simple conduit, qu’une simple machine à digérer", pouvait-on lire dans le quotidien. Les chercheurs considèrent qu'il s'agit d'un "organe" à part entière, parfois même appelé le second cerveau, car il a été établi qu'il joue un rôle dans les fonctions digestive, métabolique, neurologique et immunitaire.
Ces dernières années, les progrès des techniques de séquençage génétique ont permis d'améliorer la connaissance de cet écosystème miniature. Chaque être humain héberge 100.000 milliards de bactéries dans son système digestif, d'environ 160 espèces, qui pèsent 1 à 2 kilos au total. Si certaines sont communes à un grand nombre de personnes, d'autres sont propres à chaque individu, ce qui fait de cet écosystème une carte d'identité unique, comme le patrimoine génétique ou les empreintes digitales.
Les déséquilibres de ce microbiote, liés à l'alimentation, à certaines mutations génétiques ou à des traitements, peuvent donc affaiblir les défenses et contribuer au développement de maladies chroniques. Ils pourraient aussi être à l'origine de certains cancers digestifs, une population de bactéries dérégulée favorisant l'inflammation et la transformation des cellules de la paroi du côlon en cellules cancéreuses.
Plusieurs projets de recherche tentent d'établir une "cartographie" du microbiote, pour identifier les populations de bactéries qui prédisposent à certaines maladies. Et pour modifier la composition d'un microbiote déséquilibré, plusieurs pistes thérapeutiques sont explorées : l'alimentation, des antibiotiques ciblant les bactéries néfastes, ou l'implantation d'une souche de bactérie bénéfique.
Pour que ce champ de recherche qui suscite un "engouement exceptionnel" tienne toutes ses promesses, les experts européens, américains et chinois présents au colloque tenteront d'harmoniser les procédures de recherche et les cadres réglementaires.