Chaque année, 90.000 étudiants infirmiers espèrent bien décrocher leur diplôme. Qu'ils soient en première, deuxième ou troisième année, ils alternent entre leur formation et leur stage pour se former au mieux à ce métier de la santé. Un milieu professionnel sujet à une véritable crise. Et les étudiants infirmiers n'échappent pas à la règle alors que leur scolarité est aujourd'hui un long chemin où fatigue physique et fatigue psychologique ne cessent de les poursuivre. C'est le résultat d'une étude publiée par la Fédération nationale des étudiants en soins infirmiers (FNESI), publiée lundi 18 septembre.
Crises d'angoisse, dépressions et même pensées suicidaires... Certains étudiants craquent. Au total, 81,5% des troisièmes années ont déjà envisagé de tout abandonner avant l'obtention de leur diplôme. "J'ai déjà pensé à changer de voies, je me suis beaucoup remis en question en me demandant si c'était vraiment un univers dans lequel j'avais envie de travailler", explique Joseph*, âgé de 21 ans, contacté par RTL.fr.
Cet étudiant en troisième année a été victime de harcèlement lors de sa précédente année scolaire. "C'était surtout des gestes, des comportements où je n'étais pas pris en compte. On me laissait en tant qu'étudiant et j'avais l'impression d'être un peu le boulet, de ne pas être désiré", détaille-t-il même s'il confesse que cela "dépendait vraiment du personnel".
Ce n'était pas forcément une insulte dans leur bouche, mais pour moi, ça l'était
Chloé, étudiante infirmière à RTL.fr
La situation est quasi similaire pour Chloé*, 23 ans, à deux doigts de tout lâcher à quelques semaines de l'obtention du précieux sésame qui lui ouvrait les porte du marché du travail. "Cela concerne un stage de deux mois et demi. Dès la troisième semaine, j'avais déjà envie d'arrêter ma formation et de carrément changer de voie en me disant que ce métier n'était pas fait pour moi. Je me suis prise énormément de réflexions sur ma manière de m'habiller, je me suis prise énormément de réflexions parce que je parle très vite, il y avait également l'incompétence qui revenait tout le temps", raconte cette toute jeune diplômée à RTL.fr. Elle poursuit : "On me traitait de hippie, de manouche... Ce n'était pas forcément une insulte dans leur bouche, mais pour moi, ça l'était".
Les détails sont peu nombreux. Il faut dire que Chloé, cantonnée aux tâches ingrates et abonnée aux phrases désobligeantes tout au long de son stage a fait un "deni volontaire". "Je m'en souviens qu'à moitié, je pense que je l'ai volontairement oublié mais ce que je sais, c'est que c'était affreux", clame-t-elle.
Joseph et Chloé ne sont pas des exceptions. Loin de là. Il font partie des 40% d'étudiants en soins infirmiers victimes de harcèlement au cours de leur formation. Si ces périodes ont été difficiles, chacun a réussi à rebondir pour remonter cette pente amenant parfois les idées les plus sombres.
Tous deux ont pu compter sur leur amis respectifs. "J'ai pu m'entourer principalement de mes amis. Et entre étudiants infirmiers, on se serre les coudes, donc je savais que je pouvais leur parler de ma problématique en stage, ce sont des problématiques courantes", décrit Joseph.
J'avais honte et je n'avais pas forcément envie d'en parler
Chloé, étudiante infirmière à RTL.fr
Chloé, de son côté, a mis six semaines avant d'évoquer le sujet avec ses proches. "J'ai fini par en parler avec mes amis qui m'ont fait découvrir la FNESI et qui m'ont expliqué qu'on avait des droits car on n'est pas forcément au courant. Tout le monde m'a soutenue tout le long", explique-t-elle.
Les étudiants de sa promotion l'ont appris plus tard alors qu'elle avait autant de "pudeur" que de "honte" à en parler à tout le monde. "Spontanément, j'en ai pas parlé avec eux, mais a posteriori, il y en a plein qui m'ont dit 'oui, moi aussi', 'oui, moi aussi'". Elle enchaîne : "Je l'ai un peu vécu comme un échec. C'est comme les enfants victimes de harcèlement à l'école, j'avais honte et je n'avais pas forcément envie d'en parler (...) Puis je n'avais pas envie de faire de la paperasse donc j'ai préféré faire le dos rond au départ, en me disant que ça allait passer".
Sans ses proches, elle aurait probablement tout plaqué. "Ils m'ont fait prendre conscience que ce n'était pas une bonne idée d'arrêter. J'ai finalement fini mon stage sur les rotules, un peu en mode robot".
S'ils n'excusent en aucun cas le comportement de certains pendant leur stage respectif, Joseph et Chloé trouvent pourtant quelques circonstances atténuantes entre manque de moyens et de personnel ou encore une fatigue générale des infirmiers. "Je comprends, mais je ne l'accepte pas", affirme la jeune femme à RTL.fr. "Au moment où j'y étais, il y avait un gros manque de personnel, des problèmes de logistique. De rajouter un étudiant là-dessus, c'était l'envoyer au casse-pipe. J'ai donc servi de punching-ball à l'équipe", se remémore-t-elle.
Tous deux se tournent déjà vers l'avenir. Son diplôme une fois en poche, Joseph se refuse à oublier ces temps difficiles. "Le fait d'avoir notre diplôme nous fait passer un cap. Même si ce n'est qu'un bout de papier et qu'on n'a pas encore fini de se former, on a une légitimité supérieure. Mais le but, c'est de ne pas oublier d'où l'on vient même quand on est soignant". Pour lui c'est sûr, "certains infirmiers ont oublié qu'ils avaient également été étudiants".
Certains infirmiers ont oublié qu'ils avaient également été étudiants
Joseph, étudiant infirmier à RTL.fr
"Ce n'est pas parce qu'on est en souffrance, qu'il faut mettre les autres en souffrance également", ajoute Chloé, qui a tenté d'en parler aux principales personnes concernées. Une discussion qui s'est soldée par un échec : "Cela n'a pas du tout marché. On m'a dit que j'étais trop sensible, que dans ces cas-là, je n'étais pas faite pour ce métier si je n'arrivais pas à me blinder, si je n'acceptais pas les réflexions".
Elle déplore dès lors ne pas avoir été formée "à encadrer" tout au long de ses trois ans d'études. "Je pense qu'il y a plein de choses qui peuvent être violentes pour l'étudiant en face de nous, mais sur lesquelles on ne fait pas forcément attention", explique-t-elle espérant dorénavant une prise de conscience du public grâce à cette étude mais surtout une évolution notable dans les mois et années à venir.
* Les prénoms ont été modifiés
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