Oxfam nous explique que les grandes entreprises françaises (celles du CAC 40) ont donné, en 2017, 67% de leurs bénéfices à leurs actionnaires. Une part considérable donc. Surtout lorsqu'on la compare aux quelque 5% des profits qui ont été versés aux salariés sous forme de participation et d'intéressement. L'étude suscite donc le chœur habituel de cris indignés devant l'entreprise prédatrice, qui irait nourrir des actionnaires avides et ventrus. C'est aller un peu vite en besogne.
Rappelons d'abord ce qu'est un dividende. Chaque année, une partie des bénéfices de l'entreprise (67% en moyenne l'année dernière) est divisée équitablement entre tous les possesseurs d'actions. La somme qui est versée à chaque actionnaire, c'est le dividende.
Ce qui me défrise dans l'étude d'Oxfam, c'est d'abord un problème de méthodologie. Elle oublie les augmentations de salaires dans ces entreprises, qui ne sont pas comptabilisées dans les profits, et qui sont généralement comprises, chez ces géants, entre 2 et 4% de la masse salariale. Si l'on veut faire le compte de ce qui revient aux salariés dans la progression de 2017, il faudrait intégrer ces éléments, et ça changerait sensiblement les comptes.
Oxfam omet également de nous dire que ces profits génèrent aussi des impôts. C'est aussi une forme de redistribution. Les profits sont taxés deux fois. D'abord avec l'impôt sur les sociétés. Théoriquement, c'est 33,3% pour les grandes entreprises. Certes, c'est un taux théorique, qui peut être réduit avec des niches fiscales. Mais le produit brut de cet impôt pour 2018 est quand même estimé à une soixantaine de milliards, ce qui n'est pas rien.
Ensuite, les dividendes eux-mêmes sont taxés à 30% si le contribuable opte pour le nouveau régime. Cela représente encore une belle somme. C'est justement une forme de redistribution.
Oxfam omet de nous dire que les profits des actionnaires génèrent aussi des impôts
François Lenglet
Oxfam nous dit que la France est le pays où la distribution de dividendes est la plus élevée ? Attention à ne pas oublier, là encore, une partie de la réalité. Pour un investisseur, c'est le rendement global qui compte, qui associe deux éléments : le dividende et la progression du cours de l'action en Bourse.
Or en France, les cours ont tendance à progresser moins qu'ailleurs, en particulier face aux valeurs technologiques américaines. Les entreprises françaises compensent avec davantage de dividendes, pour attirer les investisseurs.
Car c'est ça, le fait majeur : il y a une compétition mondiale des entreprises pour attirer l'argent. Surtout, alors qu'il n'y a que peu d'investisseurs en France, il faut aller les chercher à l'étranger. Et nos champions se battent, par exemple, contre des monstres. Apple, par exemple, va distribuer à elle seule plus de 80 milliards d'euros à ses propres actionnaires en 2018 ! Sur une seule année, Apple distribue beaucoup plus que la totalité du CAC 40 !
C'est ça la compétition dans laquelle sont plongées les entreprises du CAC 40. Si vous ne séduisez pas les investisseurs alors que vous êtes côté, difficile de se financer et de se développer, impossible de racheter une autre entreprise.
Tout irait donc bien dans le meilleur des mondes ? Non, pas du tout. Je vous présente ici le monde tel qu'il est. Une entreprise n'a pas le pouvoir d'en changer ni les règles, ni les rapports de forces. Mais je suis le premier à critiquer, par exemple, les rachats d'actions massifs, qui sont une façon un peu absurde d'utiliser le capital.
Et quand Oxfam pointe l'écart grandissant entre la croissance des rémunérations des patrons et celles de leurs salariés, elle n'a pas tort.
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