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3 min de lecture

Discrimination à l'embauche : Andréa Bescond imagine un entretien sur fond de racisme

BILLET - Andréa Bescond imagine un entretien d'embauche fictif entre une femme noire d'origine africaine stigmatisée tout au long de sa journée avant de retrouver un employeur qui s'avère être raciste.

Un entretien d'embauche à Pôle Emploi (illustration)

Crédit : JACQUES DEMARTHON / AFP

L'oeil de... du 25 février 2020

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Andréa Bescond imagine un entretien d'embauche sur fond de racisme

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Andréa Bescond

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Je suis pressée, cet entretien peut m’offrir le job de mes rêves ! Je suis compétente, je vais réussir mais je ne dois pas être en retard et là, merde, je vais être en retard ! Talons de douze, tailleur cintré, je cours dans la rue, je trébuche. Je me suis écorchée, je ne peux pas me présenter comme ça, une plaie à la main...

Une pharmacie ! Yes. Parfait ! "Bonjour madame, je voudrais du désinfectant et des pansements couleur chair s’il vous plait !". "Bien sûr mademoiselle, voici", répond la pharmacienne. "Madame ! Je voulais dire couleur chair, ma chair !"... "Je suis Française d’origine gabonaise, alors, peut-être avez-vous des pansements qui correspondent à mon teint ?" "Mademoiselle, je n’en vends pas mais, c’est vrai, je n’y avais jamais pensé."  

Y’a pas de mal. Je sors, je cours, je dois attraper ce bus. Il démarre ! Non, monsieur, attendez-moi ! Il me voit, il s’arrête, je monte. "Merci chauffeur." "Y’a pas de quoi. Vous courrez vite. Vous les Africains, vous avez ça dans le sang". Je souris poliment, pour lui c’était un compliment, pour moi, une gifle.

Je vais cartonner cet entretien d’embauche

Des gens autour de moi secouent la tête, indignés, d’autres me font un sourire compatissant, mais personne ne réagit…Y’a pas d’mal, y’a pas d’mal ! Je m’assois et je souffle.
Je me concentre, je vais cartonner cet entretien d’embauche.

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Ok, c’est enfin mon arrêt, je descends et pénètre dans ce prestigieux cabinet
d’avocats. J’ai juste le temps de m’introduire qu’on me coupe. "Désolé mais les postes de femmes de ménage viennent d’être pourvus". "Je viens pour le poste d’avocat".
"Oh toutes mes excuses, c’est vrai qu’avec le tailleur, j’aurais dû m’en
douter. Installez-vous dans la salle d’attente".

Y’a pas d’mal, l’important, c’est que je suis à l’heure. Le patron arrive : "Bonjour mademoiselle. Quelle coiffure ! J’aime beaucoup, c’est exotique. Suivez-moi." On rentre dans son bureau. "Vous êtes en couple ?" "Euh... je ne pense pas que ma situation personnelle influe sur...". "Mademoiselle, si vous tombez enceinte tous les ans, ça risque d’être compliqué, et dans vos cultures, on fait beaucoup d’enfants".

J’ai rêvé de cet emploi mais vos propos stigmatisants m’en dissuadent

Respire, y’a pas d’mal, y’a pas de... si, en fait, ça fait mal, je suis fatiguée. Alors je ferme les yeux et j’entends les cris de singes de la vidéo qui tournait sur Instagram ce week-end, la vidéo dans laquelle ce joueur de foot, Moussa Marega, a été insulté par des supporters parce que noir et puni d’un carton jaune parce qu’il se défendait.

Je le vois encore quitter le terrain alors que ses collègues essayent de l’en
dissuader, j’aurais tellement aimé qu’ils quittent le match avec lui par solidarité. "Mademoiselle". "Oui monsieur, excusez-moi, je vais partir, j’ai rêvé de cet emploi mais vos
propos stigmatisant m’en dissuadent, bonne journée".

Je sors de son bureau, il rétorque : "Vous les noirs, vous prenez tout pour du racisme ! ". Alors je lui lance ces mots d’Aimé Césaire : "C'est quoi une vie d'homme ? C'est le combat de l'ombre et de la lumière. C'est une lutte entre l'espoir et le désespoir, entre la lucidité et la ferveur... Je suis du côté de l'espérance, mais d'une espérance conquise, lucide, hors de toute naïveté".

Et je le laisse là, certainement persuadé que l’universalisme existe, je le laisse avec cette illusion, mais avant que je sorte du bâtiment... "Mademoiselle !". Un homme m’a suivie. "Excusez-moi mademoiselle, je vous ai entendue à l’instant, j’ai un cabinet
d’avocats, je recrute, je vous en prie, voyons-nous. J’ai besoin de collaborateurs de votre tempérament". Je souris, je prends sa carte et m’en vais. Je sais que la route sera sinueuse mais je l’emprunte, lucide, libre et forte.

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