Catalogne : Carles Puigdemont, l'histoire d'un indépendantiste devenu hors-la-loi
PORTRAIT - Il a fait vaciller l'Espagne. L'ex-président catalan Carles Puigdemont est désormais hors-la-loi et réfugié en Belgique. Isabelle Choquet dresse le portrait d'un indépendantiste très indépendant.

Pendant des semaines, on n'a vu que lui, ses petites lunettes d'intello et sa coupe de cheveux "Playmobil" qui cache en fait la vilaine cicatrice d'un accident de la route. Carles Puigdemont a l'air d'un gentil prof de lettres. Il parle doucement, il est toujours aimable et respectueux. Mais ne vous y fiez pas, ce gars-là est un dur. Pas un converti de la dernière heure, un indépendantiste de toujours.
Il est né près de Gérone. Son grand-père a fui le franquisme, et il est mort dans un camp d'internement. Alors dans la famille, on n'aime pas trop Madrid. À 18 ans, son cœur s'enflamme dans un meeting de Jordi Pujol et il devient journaliste pour diffuser la cause indépendantiste. Dès 1991, Carles Puigdemont lance une campagne pour changer le nom de sa ville, Gérona, en Girona, à la catalane.
Arrivé en politique sur le tard
Il a 49 ans quand il devient maire de Gérone, en 2011. Un maire moderne, qui se déplace à girocleta, le vélib du coin, qui installe le wifi gratuit partout, qui développe le tourisme. Et il réussit même un joli coup de com : le tournage d'un épisode de Game of Thrones dans sa cité. Il est polyglotte : anglais, français, roumain, car sa femme est roumaine, et bien sûr catalan. Et c'est un bon orateur, pas tonitruant mais plein de charisme. Il fait ses discours sans notes, il a le don des formules choc. Des formules choc et des coups d'éclat : en 2014, il demande que Léonor, la fille du nouveau roi, n'utilise plus son titre de "princesse de Gérone".
Deux ans plus tard, il est élu président de la généralité de Catalogne. Mais pas comme une rock star. Plutôt par défaut, parce que son prédécesseur Arturo Mas est rattrapé par des scandales de corruption.
Madrid ne s'est pas méfié de lui... À tort
Le pouvoir central l'a pris pour une marionnette. Mais dès le début, le ton est donné : le jour de son investiture, il refuse de prêter serment sur la constitution espagnole et de jurer fidélité au roi d'Espagne. On découvre alors Puigdemont le radical, qui n'hésite pas à comparer l'Espagne de Rajoy à la Turquie d'Erdogan. Et qui vire quatre ministres qu'il juge trop timides avec Madrid.
Le référendum pourrait lui valoir des poursuites judiciaires. Mais pour sa cause, il se dit prêt à aller en prison. Et il a promis de se retirer de la vie politique si la Catalogne devient indépendante. Son rêve d'enfant... Selon la légende, tout petit déjà, il demandait à sa grand-mère de lui tricoter l'estalada, le drapeau catalan étoilé.