"Pourquoi ?" La question qui a fait la une de
Libération le 16 juillet, soit deux jours après le massacre qui a eu lieu sur
la Promenade des Anglais reste encore entière. Le profil du terroriste, Mohamed
Lahouaiej-Bouhlel, est minutieusement étudié par les enquêteurs. Dans une
conférence de presse donnée lundi 18 juillet, le procureur de la République, François Molins, indique
que "l'exploitation de son ordinateur montre un intérêt certain et récent
pour la mouvance jihadiste radicale", ainsi que le "caractère
prémédité" du terroriste.
"Totalement inconnu des services de
renseignement", comme le précisait le 15 juillet dernier François Molins, Mohamed
Lahouaiej-Bouhlel aurait fait l'objet d'une "radicalisation très rapide",
selon les termes employés par Bernard Cazeneuve. Le procureur de la République indique
qu'il n'y a "pas d'allégeance à l'État islamique
démontrée à ce stade", ni
de "liens
avérés avec des individus" liés
à l'organisation. L'enquête confirme également qu'il
s'agissait d'un "attentat pensé et préparé".
C'est justement sur ce point que réside une partie
importante de l'enquête. Mohamed Lahouaiej-Bouhlel est arrivé en France en 2005
et résidait à Nice depuis. Père de trois enfants, le terroriste battait sa
femme et ses enfants, selon des témoignages recueillis auprès de ses voisins.
Ces derniers soulignent son caractère très violent. Contacté par l'AFP, son
père le décrit comme quelqu'un qui n'avait "aucun lien avec la
religion". "Il ne faisait pas la prière, il ne jeûnait pas, il buvait
de l'alcool, il se droguait même", explique-t-il.
Dans un entretien à Nice Matin, David Thomson,
journaliste et auteur du livre Les Français jihadistes, estime que "dès que Daesh présente le terroriste comme l'un de ses soldats, cela veut dire
qu'ils peuvent prouver le lien et l'implication du jihadiste. Jusqu'à
maintenant, Daesh n'a jamais revendiqué un attentat de façon
opportuniste alors qu'ils auraient pu le faire (…) Peut-être a-t-il été inspiré
par la propagande de l'État islamique, avant de passer à l'acte, sans pour
autant répondre à un ordre de mission clair comme ce fut le cas de la tuerie
d'Orlando aux États-Unis".
Le blog du Monde, Un si proche Orient, explique que "le basculement 'très rapide' renvoie à l’intégration dans une secte, Daesh, qui prône la religion jihadiste, avec le salut assuré pour ses seuls fidèles et les pires tourments prédits, et parfois infligés, à ceux qui sont désignés comme adversaires". Mohamed Lahouaiej-Bouhlel "ne respectait aucune des prescriptions canoniques de l’islam, que ce soit la prière, le jeûne, la charité ou le pèlerinage. Sa consommation d’alcool était apparemment problématique. Le tueur de Nice ne s’est donc pas 'radicalisé' dans l’islam, il s’est converti à la secte jihadiste. Converti comme des centaines d’autres Françaises ou Français, dont Daesh se charge de déconstruire l’éventuel bagage culturel et religieux pour y substituer le credo de la secte", peut-on lire.
Cependant, Bernard Cazeneuve, reste prudent quant aux
motivations du terroriste. À l'antenne de RTL, le ministre de l'Intérieur déclarait
que "le mode opératoire emprunte totalement à ce que sont les messages de
Daesh. On ne peut pas exclure qu'un individu déséquilibré et très violent, et
il semble que sa psychologie témoigne de ces traits de caractère, ait été à un
moment, dans une radicalisation rapide, engagé dans ce crime absolument
épouvantable".
Être déséquilibré n'a jamais empêché d'être jihadiste. Il n'y a pas vraiment de profil type de terroristes
David Thomson dans "Nice Matin"
Mais selon le journaliste, "être déséquilibré n'a jamais empêché d'être jihadiste. Il n'y a pas vraiment de profil type de terroristes. Il faut se souvenir de Salah Abdeslam qui, deux semaines avant les attentats, fumait du shit et était connu pour faire la fête". D'après les informations communiquées par le procureur de la République entre le 1er et le 13 juillet, veille de l'attentat, le tueur avait fait des "recherches quasi quotidiennes de sourates du Coran", mais aussi des recherches sur les fusillades d'Orlando et de Dallas, ainsi que sur l'attaque de Magnanville.
Les enquêteurs ont également trouvé dans son ordinateur des "photos en lien avec l'islam radical, en particulier des combattants arborant le drapeau du groupe terroriste Daesh", mais aussi "des couvertures du journal Charlie Hebdo, des photos de Ben Laden" et du chef jihadiste algérien Mokhtar Belmokhtar. Autre élément : "depuis huit jours, il s'était laissé pousser la barbe, expliquant (...) que la signification était religieuse", ajoute François Molins.