Quand il avait commencé en Formule 1, il n'avait même pas son permis de conduire en poche. La date du dimanche 15 mai 2016 restera sans doute pour longtemps celle où Max Verstappen est devenu, à seulement 18 ans, 7 mois et 15 jours, le plus jeune pilote de l'histoire à remporter une course de la discipline reine du sport automobile. Au terme d'un palpitant Grand Prix d'Espagne à Barcelone, lancé sur les chapeaux de roues par la spectaculaire sortie de piste des deux intouchables Mercedes, le prodige néerlandais a su résister en patron aux assauts de son propre coéquipier chez Red Bull, Daniel Ricciardo, mais surtout à ceux de Kimi Räikkönen et Sebastian Vettel (Ferrari), tous deux anciens champions du monde.
L'exploit est d'autant plus grand que le surdoué d'Hasselt connaissait sa monoplace Red Bull depuis seulement trois jours. "Je m'habitue encore à la voiture. Je ne sens pas encore les pleines limites. [...] Évidemment, il vous faut quelques week-ends, je pense, pour être pleinement à l'aise", confiait-il vendredi après les deux premières séances d'essais à Barcelone, sans se douter de l'incroyable scénario qui l'attendait. Cette situation n'a été rendue possible que par la décision inédite prise par Red Bull, à dix jours de la course. Par crainte de voir son jeune génie s'impatienter et filer chez un concurrent en fin de saison, les dirigeants ont préféré renvoyer le Russe Daniil Kyvat chez l'écurie cadette Toro Rosso, pour l'échanger de toute urgence avec Max Verstappen.
Plus que jamais, la carrière du fils de l'ancien pilote Jos Verstappen continue d'être absolument hors-norme. Avant de connaître un jeune vainqueur précoce, le paddock a d'abord vu ce talent comme étant le plus jeune pilote de l'histoire de la F1. Lorsque Red Bull décide en août 2014 de le nommer titulaire chez Toro Rosso, l'heureux élu n'a que 16 ans. Lorsqu'il prend le départ du premier GP de la saison 2015, il n'a que 17 ans et 5 mois. Il ne lui faut attendre que la course suivante, en Malaisie, pour inscrire ses premiers points.
Au moment de monter pour la première fois dans un baquet de Formule 1, Max Verstappen n'affiche qu'une très maigre expérience derrière lui, se résumant à des courses en karting et une seule saison dans une catégorie de monoplaces (F3 Euro Series). Face à autant d'échelons sautés, le scepticisme et l'aigreur se font entendre chez plusieurs anciennes gloires, à l'instar de Jacques Villeneuve qui fut sacré en 1997. "Je crois que l'arrivée de Max est une insulte. [...] Avant de vous battre contre la vie des autres, vous devez apprendre. Ce n'est pas le rôle de la F1 d'apprendre. On dirait que n'importe qui peut piloter une F1", lâche le Canadien. Damon Hill, champion 96, espère quant à lui "qu'on ne le pousse pas trop tôt dans l'arène". Face à la polémique, les instances dirigeantes décident même d'imposer un âge minimum de 18 ans pour que cela ne se reproduise plus.
Mais dès ses premières boucles, Max Verstappen ne se démonte pas. "Il était prêt pour ça et ce n'est pas le cas de tous les jeunes de 17 ans", assurait son père. Par ses dépassements osés, ses prises de risques rappelant le bon temps d'un sport de moins en moins populaire, il assure le spectacle des courses, vole parfois la vedette aux Mercedes de Lewis Hamilton et Nico Rosberg et devient l'un des chouchous du public : "Max est une surprise parce qu'il est très agressif, parfois trop agressif. (...) Il sera au premier plan à l'avenir", prédit le quadruple champion du monde Sebastian Vettel en novembre 2015. Parfois, cette audace le pousse à la faute, comme à Monaco où il est victime d'un crash plus effrayant que grave. "Après cet accident, j'étais en mesure de comprendre davantage ma voiture et la F1. J'ai réalisé que ma monoplace était vraiment sûre et que l'on peut tout donner à son volant", explique l'intéressé par la suite.
Dans une discipline de plus en plus policée, le Néerlandais se démarque aussi par son caractère bouillant hérité de son père. Une personnalité à la limite de l'arrogance qui s'exprime donc à la fois dans son pilotage, mais aussi à travers les communications radios que les fans se font un plaisir d'écouter, et dans les médias lorsque ses homologues le taclent. "Il faut savoir se défendre. Même si je n'ai que 17 ans, ils ne peuvent pas dire ce qu'ils veulent", prévient, au micro de Canal+, celui que certains comparent à Michael Schumacher, lui aussi connu pour son fort tempérament. "Peut-être qu'il aime un peu plus jouer le rôle de bad boy", observait également son ex-coéquipier Carlos Sainz après une course où Max Verstappen refuse ostensiblement d'obéir aux consignes de son écurie.
"Honnêtement, je ne suis pas là pour m'occuper de ceux qui critiquent. Je prends du plaisir, j'essaie de faire de mon mieux et aujourd'hui j'ai gagné. Je m'occupe juste du sentiment génial que ça procure", lâche désormais celui qui peut aujourd'hui légitimement prétendre à la couronne mondiale à court terme. "À son âge, il a largement le temps. Je suis sûr qu'il va nous inquiéter, nous la génération plus ancienne dont je fais désormais partie", estimait Sebastian Vettel en 2015. Sauf que le petit génie n'a, lui, pas le temps. D'autant qu'avec son nouveau record de précocité dans la catégorie des plus jeunes vainqueurs en course, il surclasse à présent Vettel et Alonso. Eux deux ont connu leur premier titre mondial deux ans après leur exploit. Au tour de Max Verstappen en 2018 ?
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