Thierry Ardisson, une carrière entre coups de "génie" et provocations

Un style devenu incontournable à la télévision. Thierry Ardisson est décédé, ce lundi 14 juillet, à l'âge de 76 ans. Celui qui était surnommé "l'homme en noir" souffrait d'un cancer du foie. "Thierry est parti comme il a vécu. En homme courageux et libre. Avec ses enfants et les miens, nous étions unis autour de lui. Jusqu'à son dernier souffle", a écrit sa femme, la journaliste de TF1 Audrey Crespo-Mara.

En mai 2025, l'animateur et producteur de télévision publiait le livre L'Homme en noir où il racontait ses souvenirs d'une carrière longue de près de trente années. Dans un entretien au Point, le producteur expliquait avoir cherché, avec ce livre, "une forme originale" pour raconter "sa mort". "J'ai eu l'idée d'un jugement dernier sous acide, un show impossible où débarquent, comme des invités habituels, toutes sortes de gens, des gens que j'ai déjà interviewés, d'autres que je n'ai pas eus sur mon plateau et même des proches". 

Et d'ajouter : "Je voulais me montrer tel que je suis, parler de mon trac à la télévision, de la drogue, de mes souffrances, de mes parents. Il y a des passages valorisants, mais aussi des passages plus difficiles. Je voulais être sincère, sans tomber dans l'autocélébration".

Une carrière de publicitaire

Une sincérité qui a pris la forme d'une franchise aiguisée à la télévision. Avant d'opérer sur ce média, Thierry Ardisson a lancé, en 1978, une agence de publicité nommée Business. Il est à l'origine de nombreux slogans publicitaires ayant marqué les années 80 et 90. "Lapeyre, y en a pas deux", "Quand c'est trop, c'est Tropico", "Chaussée aux moines", "Vas-y Wasa"... "Quand vous avez trouvé 'Lapeyre, y en a pas deux', les gens vous disaient que vous étiez un génie. J’arrivais à l’agence à midi, je fumais des pétards au bureau, j’avais des bottes en python. Si je trouvais une ou deux campagnes dans le mois, on me foutait la paix", racontait-il à Sud Ouest.

Il innovera aussi sur le format d'une publicité, en proposant des spots de huit secondes. "Ils permettaient à un annonceur qui n’avait pas beaucoup d’argent de passer à la TV. C’est de ça dont les gens se souviennent de mon passage dans la pub", expliquait-il. 

"Tout le monde en parle", "Paris Dernière", "93, faubourg Saint-Honoré"

La consécration arrivera à la fin des années 90. Thierry Ardisson présente l'émission Lunettes noires pour nuits blanches, diffusée sur Antenne 2 (devenu France 2). Il a notamment produit Paris Dernière, émission diffusée sur Paris Première, puis Top Flop, Rive droite / Rive gauche.

L'émission Tout le monde en parle qu'il présente dura de 1998 à 2006 avec Laurent Ruquier, Kad et Olivier et Laurent Baffie. Invité de RTL en 2020, Thierry Ardisson confiait son meilleur souvenir de l'émission. "J'interviewais les gens un peu comme un dentiste. J'étais assez froid. Un jour, avec Michaël Youn, on a changé de studio. On était dans celui de Tout le monde en parle et on est passé dans celui d'à côté où il y avait Julien Lepers qui faisait Questions pour un champion avec la bande de Michaël Youn. Vous imaginez le souk qu'ils ont mis. J'ai trouvé ça totalement surréaliste (...) On faisait vraiment tout ce qui nous passait par la tête", se souvenait-il. 

L'année 2003 sera celle d'une autre émission emblématique : 93, faubourg Saint-Honoré, diffusée sur Paris Première, où Thierry Ardisson invitait chez lui plusieurs personnalités à dîner. 

L'émission "Tout le monde en parle" était un phénomène de société

Thierry Ardisson sur RTL

Connu pour ses interviews aux questions tranchantes et inquisitrices, l'animateur avait notamment provoqué en demandant à Michel Rocard en 2001 : "Est-ce que sucer c'est tromper ?". Vingt-et-un ans plus tard, sur RTL en 2022, Thierry Ardisson décrivait l'ambiance sur le plateau de Tout le monde en parle. Les invités "étaient terrorisés" et "je ne m'en rendais pas compte", expliquait-il. "Je pouvais leur dire n'importe quoi. C'étaient des stars qui venaient un peu se mettre comme ça sous le feu des questions, c'était chaud", poursuit-il. 

Lors de la dernière émission, en 2006, "je trouvais ça parfaitement injuste qu'on arrête une émission qui faisait déjà 2 millions de téléspectateurs par semaine". C'était plus qu'une émission, c'était un phénomène de société (...) Je ne me rendais pas compte de l'importance que ça avait, parce que je travaillais beaucoup aussi, je n'étais pas dans l'idée de me regarder", reconnaît-il sur RTL.

Critiqué pour ses questions jugées sexistes lors d'interviews, Thierry Ardisson répondait dans Le Parisien : "Aujourd’hui, elles disent que je les ai sexualisées avec des questions osées que j’ai posées à tout le monde, y compris à Michel Rocard. Je n’ai pas attendu Christine Angot pour être féministe et je n‘ai pas de #MeToo sur le dos. Alors j’ai décidé d’attaquer en justice car je ne vais pas me faire traiter de mec abject par des femmes que j’ai vu deux fois dans ma vie, à chaque fois sur un plateau de télévision, avec 15 caméras".

Drogues et addiction

Jouant la transparence, Thierry Ardisson s'est confié tout au long de sa vie sur sa consommation de drogues et l'addiction dont il a souffert. "Honnêtement, on a été la première génération à avoir la drogue en vente libre. Avant nous, la drogue, l'héroïne, c'était réservé aux jazzmen afro-américains. Personne n'en prenait. Certains prenaient de l'opium, mais ce n'était pas courant", indiquait-il sur France 3. 

"Moi, j'ai quitté la France, je n'ai pas voulu médicaliser le truc. Je n'ai pas voulu aller à l'hôpital prendre de la métadone et tout ça. Je ne voulais pas me considérer malade, ce qui était le cas malheureusement. Je suis parti aux États-Unis dans un endroit où j'étais sûr de ne pas en trouver. Mais j'en ai chié pendant trois mois (...) Je m'en suis sorti, mais c'est ce que j'ai fait de plus dur dans ma vie", racontait-il. 

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