Isabelle Morini-Bosc : "Les chaînes de télé diffusent des séries comme on fabrique du boudin"
ÉDITO - De nombreuses chaînes lassent les téléspectateurs en diffusant plusieurs épisodes d'une même série ou d'un programme à la suite, et de plus en plus tard dans la soirée. Un vrai gavage.

Je sais, la critique est aisée et l'art difficile. C'est sûr. Si le métier de programmateur était facile, cela se saurait. On a en revanche le droit de s'interroger sur certains choix des chaînes. Par exemple, sur la curieuse habitude qu'elles ont pris de proposer des séries comme on fabrique du boudin, en "débitant" le plus possible d'épisodes en un minimum de temps. Le diffuseur ne propose plus, il fourgue. Dans le Sud-Ouest, on appelle ça du gavage.
Prenons les séries américaines, bien que cela se pratique également pour les créations françaises. Si on "dissèque" les pratiques dans le public comme dans le privé, on constate que, naguère, on a d'abord "systématisé" le passage de deux inédits, là où les Américains, eux, n'en proposent toujours qu'un par soirée. Jusque-là, rien à dire ni à redire malgré tout. Deux histoires palpitantes à la suite, qu'elles soient "sociétales", médicales ou policières, ça se prend surtout si ça surprend !
Plateau repas et plateau télé, pas vrai, ça va bien ensemble pour "installer" une bonne soirée ! Sauf que très rapidement, le rythme est passé à trois inédits d'affiler, d'où un début de difficulté pour des téléspectateurs qui viennent d'achever une journée de travail et vont en commencer une autre.
"No Offence" : trop d'épisodes à la suite
Arrive un moment où, au lieu de délasser, cet enchaînement d'images rajoute de la fatigue à la fatigue. Or, nous en sommes aujourd'hui à une succession de quatre "volets". Soit une exception culturelle française dont il n'y a pas lieu se vanter. Le dernier exemple en date de cette nouvelle sale habitude dont rien ni personne ne sort gagnant, concerne France Télévisions, avec la série anglaise No Offence.
Il est certes possible de regarder massivement après-coup cette création "feuilletonnante", mais franchement, le but d'une nouveauté de cette qualité est (encore aujourd'hui) de fédérer un large public en direct. Or de nombreux téléspectateurs, découragés, ne sont tout simplement pas venus. Ou revenus. Dommage pour cette fiction tonique dans laquelle des héroïnes culottées prennent pourtant des déculottées, où le langage est aussi cru qu'un steak Charal "emballé" comme nous !
Des audiences décevantes après minuit
On est donc amené à se demander si France Télévisions n'a pas fait le coup du "J'ose sans oser tout en osant". Le groupe a-t-il eu peur de choquer un public qui en a vu d'autres et sait reconnaître un "bon produit" ? D'où cette diffusion à la va-comme-je-te-pousse nuisible au programme ? On espère que ce n'était pas le but recherché. On l'espère également pour un autre type d'émission qui a "subi le même sort : L'Heure H sur France 3. L'historien Franck Ferrand est revenu lundi dernier sur trois événements majeurs, la mort de Lady Di, l'assassinat raté du pape et celui, réussi, de l'égyptien Sadate.
Trois sujets passionnants qui, forcément, n'ont pas fait le plein de curieux. Vous avez envie, vous, de "révélations historiques" à près de minuit ? Moi non plus. D'où une audience globale forcément décevante. D'où, là encore, cette interrogation muette : la direction de France 2 a-t-elle proposé un "pack de trois sujets" parce qu'elle croyait trop à l'émission, ou parce qu'elle n'y croyait pas assez ? Faisant ainsi un solde de tout compte destiné à "brader" l'histoire sur France 3 ? Poser la question, c'est (un peu) déjà y répondre...