Isabelle Morini-Bosc : "Le milieu du cinéma français méprise la télévision"

ÉDITO - À l'occasion du Festival de la fiction TV de La Rochelle, Isabelle Morini-Bosc évoque le mépris du grand écran pour les fictions télévisées.

Laëtitia Milot est-elle l'une des actrices prisonnières du petit écran ?

Crédit : Julien Cauvin

Quel frisson, les fictions pleines de frictions et d'affliction. Ou pleines d'humour et d'humeur. Oui...j'aime les téléfilms, les sagas et autres feuilletons "en séries"... Cela inclut les scénaristes les concevant, et les festivals les valorisant. Qu'ils se déroulent aujourd'hui à Monte-Carlo, Luchon ou La Rochelle ! Je me souviens ainsi et aussi de la richesse d'échanges dans un autre rendez-vous naguère prisé, celui des scénaristes. Quatre jours durant, à Aix-les-Bains, discutaient et se disputaient auteurs, acteurs, producteurs et diffuseurs...

Quel bonheur c'était d'animer là d'interminables tables rondes face à un public actif qui venait s'ébattre et débattre. S'ébattre d'abord au bord du lac du Bourget, débattre ensuite dans les salons du casino. C'est là que j'avais assuré à un Gérard Hernandez angoissé que Scènes de ménage, format court alors à venir sur M6, "ça marcherait". J'y croyais.

L'éternel mépris du cinéma

Ce qui frappait alors déjà, c'était le malaise des comédiens "de télé", c'est-à-dire ultra-populaires, en constatant le mépris du milieu du cinéma français pour leur "support" et, subséquemment, pour nombre d'entre eux... Comme si "petit écran" signifiait petits films et petits acteurs. Ce petit écran semblait juste bon à financer les "œuvres" du grand ! Cette opinion communément émise et admise n'a d'ailleurs guère changé ! Les "grands noms du cinéma" puisent certes quelques vedettes dans le vivier TV (citons au hasard Jean Dujardin ou Jamel Debbouze) mais ils leur conseillent aussitôt de "se faire rare en télé".

Et pourquoi maintenir "en quarantaine cinématographique" ces acteurs épatants que sont, entre autres, Nicolas Gob, Thomas Jouannet, ou encore, entre autres, Jean-Michel Tinivelli, Bernard Yerlès (Etienne dans La Vengeance aux yeux clairs sur TF1), Anne Charlier, etc... Et quand le 7ème art récupère un talent, par exemple Audrey Fleurot (Engrenages, Un Village français), il suggère que cet artiste est vraiment né le jour où il a baissé le regard vers lui..."Ce n'est plus vrai, il y a aujourd'hui des passerelles entre les deux secteurs", affirment les observateurs... C'est vrai ! Mais surtout dans le sens ciné-télé.

La télévision, puits de productions ambitieuses

Les acteurs qui faisaient "dans le long métrage", trouvent de plus en plus sur les chaines les rôles "cousus-mains" que le "cinoche" ne leur offre plus. Ou moins... Autre idée reçue, celle qui veut que les productions télé soient "enfin" ambitieuses. Donc dignes d'intérêt. Tout au plus peut-on éventuellement dire qu'elles le redeviennent. Car soyons clairs, il en va de l'histoire de la télé comme de l'histoire tout court : nous la connaissons mal, ce qui nous autorise à dire beaucoup d'âneries. Les grandes sagas y ont toujours côtoyé les "produits standard" ou produits de série(s), quoi !

Qui se souvient que la télévision a commencé avec des fictions "sévères" puis populaires, comme Au plaisir de Dieu (formidable "jeandormessonnade"), Les Dames de la côte, Les gens de Mogador, Jacquou le Croquant, ou tiens, Sarn, l'histoire d'une fille affligée d'un bec-de-lièvre ; ce téléfilm eut tant de succès en 1968 que la chaîne le reprogramma une semaine après sa diffusion. Et que les plus jeunes ne disent pas "Ce n'est pas notre génération" : ce n'est pas la mienne non plus. Tenez, j'adore, moi, La Dame de Monsoreau qui met en scène Henri III or croyez-moi, j'ai très peu connu ce roi effectivement né un 19 septembre, mais 1551 ! Et petite question pour finir : si la télé était jadis si nulle, pourquoi le cinéma lui vole-t-il tant de sujets ? Belle et Sébastien, Jacquou le Croquant, Belphégor, Vidocq, Star Trek, Drôles de dames, Mission impossible... Oui, pourquoi ?