Elle avait la liberté d'expression et la jurisprudence pour elle. Le procureur de Paris, Rémy Heitz, a classé sans suite le signalement de neuf députés LR qui accusaient la comédienne Corinne Masiero (Capitaine Marleau) d'exhibition sexuelle lors de la 46e cérémonie des César. Dans un courrier daté du 16 mars 2021 adressé au parquet de Paris, le député LR du Vaucluse Julien Aubert, soutenu par d'autres parlementaires, estimait que l'actrice avait commis le délit d'"exhibition sexuelle", passible d'un an d'emprisonnement et de 15.000 euros d'amende, en apparaissant lors de la dernière cérémonie des César le 12 mars "totalement déshabillée, imposant sa nudité" au public dans la salle ainsi qu'aux téléspectateurs.
Dans sa réponse, Rémy Heitz a indiqué avoir procédé au classement sans suite du signalement. "Au regard de la démarche poursuivie par l'intéressée, qui souhaitait attirer l'attention du public sur les difficultés actuelles rencontrées par les professionnels du spectacle, une poursuite serait inopportune", a-t-il expliqué. Le procureur a par ailleurs souligné qu'elle serait "vouée de surcroît à l'échec au regard de la jurisprudence récente de la Cour de cassation", se référant à un arrêt du 26 février 2020 qui avait définitivement validé la relaxe d'une ancienne militante des Femen, Iana Zhdanova, pour une action seins nus au musée Grévin en 2014.
Dans cette décision, la Cour de cassation avait estimé que "le comportement de la prévenue s'inscrivait dans une démarche de protestation politique, et que son incrimination (...) aurait constitué une ingérence disproportionnée dans l'exercice de la liberté d'expression", a rappelé Rémy Heitz.
Corinne Masiero, qui devait remettre le César du Meilleur costume, avait marqué les esprits en ôtant un costume de Peau d'Âne sanguinolant, se retrouvant entièrement nue sur la scène. "No culture, no future" pouvait-on lire sur son ventre et "rend-nous l'art, Jean" sur son dos. La ministre de la Culture Roselyne Bachelot a estimé le 16 mars que cette cérémonie "n'a pas été utile au cinéma français", alors que Jean Castex a fait valoir qu'il y avait eu "des cérémonies, peut-être, de meilleure tenue". Cette prestation a en outre été vivement critiquée à droite et à l'extrême droite.
La comédienne, elle, a expliqué son geste volontairement provocateur et critiqué le sexisme dont elle était victime depuis. "On est dans une société patriarcale : on ne doit pas montrer son cul quand on a passé 25 ans et qu'on ne fait pas du 36. Je pensais même avoir plus de réactions du côté des méchants. Je m'en fous. Ce que je retiens, c'est surtout tous ces gens qui soutiennent", a-t-elle déclaré au lendemain des César. Ce n'était pas forcément rigolo mais je suis contente de l'avoir fait. C'est difficile d'agir mais j'ai reçu un tsunami de soutiens de plein de gens du spectacle, du cinéma et même de spectateurs, y compris depuis l'étranger. Cela fait un bien fou."