Lucrèce Borgia : comment cette duchesse a fini par échapper à l'emprise de sa famille

Dans l'Italie de la Renaissance, derrière l’éclat de la peinture et de la sculpture, se cache une époque bien plus sombre, marquée par le sang et les intrigues. Un nom de famille incarne cette part d’ombre : les Borgia. Et au cœur de cette légende noire, se trouve Lucrèce, la fille de la famille.

On l’a dépeinte comme la messaline de son temps : une fille incestueuse, une épouse meurtrière et une courtisane manipulatrice. Accusée de tous les vices, elle est devenue le symbole des excès et des trahisons. Et pourtant, derrière cette image sulfureuse, une autre Lucrèce a existé.

Née en 1480, Lucrèce, fille du pape, a été très jeune impliquée dans les intrigues matrimoniales. À 13 ans, on l’a mariée à Giovanni Sforza dans le cadre d'une union stratégique. Cependant, lorsque cette union a perdu son utilité, Giovanni a été répudié sous le prétexte de son impuissance. Cette situation a constitué une humiliation publique pour lui, mais elle a permis à Lucrèce de conserver officiellement sa virginité, facilitant ainsi un remariage.

Lucrèce, victime des rumeurs et des alliances

Par vengeance, Giovanni a fait courir le bruit qu’en secret, Lucrèce couchait avec son père. Mais les rumeurs ne l'empêche pas d'épouser Alfonso d’Aragon, un Napolitain. Très vite, ce second mariage a tourné au drame. Ce mari, bien qu’allié précieux, est devenu encombrant pour le pape. Il a été attaqué sur les marches de la basilique Saint-Pierre, roué de coups et poignardé. Miraculeusement, il a survécu.

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Mais le frère de Lucrèce, César, déterminé à clore l’affaire, est entré un soir dans la chambre de soin d'Alfonso. Lucrèce veillait encore. César, froid, calme, a fait signe à son homme de confiance. Et là, sous les yeux impuissants de Lucrèce, le sbire a étranglé Alfonso à mains nues jusqu’à la mort. César a tué le mari de sa sœur pour que Lucrèce puisse être remariée, à un homme plus stratégique, plus utile. Chez les Borgia, les sentiments n’ont jamais pesé bien lourd face à la raison d’État, ou plutôt à la raison de la famille.

Une femme d'État et mécène respectée

Mais c’est après ce second mariage tragique que la vraie Lucrèce s’est révélée. À seulement 21 ans, elle a été mariée pour la troisième fois, à Alfonso d’Este, héritier du duché de Ferrare. Là, loin des intrigues romaines, Lucrèce Borgia est devenue duchesse, femme d’État et mécène. Elle a tenu une cour raffinée, elle a correspondu avec les grands esprits de son temps, soutenu les arts et organisé la vie culturelle de Ferrare.

Les archives ont révélé une administratrice rigoureuse, une femme pieuse, aimée de ses sujets. Elle a été tellement douée que c’est elle qui a géré le Vatican quand le pape s’est rendu en Grèce. 

La légende noire

Lucrèce a survécu aux complots, aux soupçons et à la chute de sa famille. Elle est morte en 1519, à l’âge de 39 ans, après la naissance de son huitième enfant. Loin du tumulte de Rome, elle a terminé sa vie respectée, lettrée, admirée.

Mais la légende noire de sa famille l’a écrasée. Cinq siècles plus tard, son nom reste inscrit dans la mémoire collective, comme celui d'une femme de débauche, incestueuse et criminelle. Au-delà du mythe, se dessine le portrait d'une femme intelligente, cultivée, et injustement condamnée par l'histoire.

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