Ashraf Marwan : Israël ou Egypte, pour qui l'agent secret travaillait-il réellement ?

Ashraf Marwan est encore aujourd'hui l'un des espions les plus mystérieux du XXè siècle. Il a habilement navigué entre le pouvoir égyptien et les services secrets israéliens. Cet homme, en apparence ordinaire, a bouleversé l'équilibre des forces au Moyen-Orient. Son histoire a même inspiré la création d'un film sur Netflix : L'Ange du Mossad. 

Né en Égypte en février 1944, Ashraf Marwan se distingue rapidement par son intelligence, obtenant avec brio son diplôme en chimie. Son avenir semble tout tracé. Mais tout bascule en 1965 lorsqu'il croise le chemin de Mona Nasser sur un terrain de tennis. C'est le coup de foudre. Cette femme, dont il tombe amoureux, n'est autre que la fille du président égyptien, Gamal Abdel Nasser. Leur mariage, célébré un an plus tard, propulse Marwan dans les cercles influents du pouvoir, faisant de lui un proche de la famille présidentielle.

Ashraf Marwan nourrit alors de grandes ambitions et rêve de gloire dans les hautes sphères du pouvoir. Après plusieurs années passées en Égypte, il projette de partir, seul, à Londres. Officiellement, il souhaite obtenir un diplôme qui pourrait lui ouvrir de nouvelles portes. Une décision acceptée tant par sa femme que par le président. Mais officieusement, Ashraf Marwan cherche à établir un contact avec les services de renseignement israéliens. Avant son départ, il en vient même à voler des documents sensibles dans le bureau de Nasser.

Ashraf Marwan : espion, traître ou héros ?

Une fois installé à Londres, Ashraf Marwan établit le contact avec le Mossad, le service de renseignement israélien. Par un coup du sort, son directeur, présent à Londres à la même période, le rappelle et lui propose un rendez-vous. Proche de président Egyptien, Ashraf Marwan ferait le parfait espion ! Lors de leur rencontre dans un café, Marwan, désireux de prouver sa bonne foi, remet au Mossad une enveloppe contenant des documents top secrets, notamment des renseignements sur la structure de l'armée égyptienne. 

Après la mort de son beau-père, le président égyptien Gamal Abdel Nasser, le 28 septembre 1970, Ashraf Marwan reconsidère son avenir. Il retourne en Égypte, animé par une seule idée : prouver sa loyauté envers le nouveau président, Anouar el-Sadate. Pour ce faire, il contribue à faire condamner les opposants politiques de Sadate. En signe de reconnaissance, ce dernier le nomme au secrétariat de la présidence. Mais, malgré la confiance accordée par le président, il continue de cultiver secrètement des liens avec Israël, jonglant habilement entre loyauté et trahison.

Cette dualité atteint son paroxysme lors de la guerre de Yom Kippour en 1973, où Marwan joue un rôle crucial. L'agent secret a transmis à Israël des informations critiques sur les préparatifs d'une attaque égyptienne et syrienne, ce qui aurait permis à Israël de se préparer partiellement à l'attaque. Cependant, l'ampleur de ses contributions reste controversée. Certains chercheurs affirment qu'Ashraf Marwan a peut-être délibérément induit en erreur les Israéliens sur certains aspects de la préparation militaire. En Israël, Marwan est ainsi perçu comme un lanceur d'alerte et comme un héros national en l'Égypte. 

Après la guerre, fin 1973, il est décoré par le président Anouar el-Sadate, et renforce sa réputation en tant que patriote ayant servi les intérêts de l'Égypte. Après l’assassinat de el-Sadate en 1981, Ashraf Marwan se retire progressivement de la scène politique et s’installe à Londres. Mais son passé le rattrape lorsque son nom est divulgué dans les médias par un ancien chef du renseignement israélien, révélant son rôle d’espion. Le 27 juin 2007, Ashraf Marwan tombe mystérieusement du cinquième étage de son appartement à Londres. Il venait d’achever ses mémoires, un manuscrit de 600 pages, qui a depuis étrangement disparu de son domicile. Accident, suicide ou meurtre orchestré pour des raisons politiques ? Marwan laisse derrière lui une énigme irrésolue sur sa véritable loyauté : travaillait-il réellement pour l’Égypte, pour Israël, ou pour les deux pays ?