C'est par une introduction toute cinématographique et pleine d'action que commence le nouveau jeu vidéo tiré de l'univers de Harry Potter, Hogwarts Legacy : L'Héritage de Poudlard (disponible à partir de ce vendredi 10 février sur les consoles PS4, PS5, XBox Series, Xbox One et Nintendo Switch). Après avoir créé votre jeune sorcier ou sorcière de 16 ans, avoir choisi ses traits, sa couleur de cheveux et sa voix, le nouveau jeu des studios Avalanche vous propulse dans une aventure qui accroche. Un dragon qui vous rappellera la fin de la saison 1 de House of the Dragon, des gobelins rebelles, une clef mystérieuse et une forme de magie ancienne encore jamais évoquée dans les livres de J.K. Rowling...
Le héros que vous incarnerez fascine presque instantanément. Il s'agit d'un adolescent qui, contrairement à tous les autres petits sorciers que l'on connait bien, intègre la vénérable école de sorcellerie directement en 5e année ? D'où viennent ses pouvoirs ? Arrivera-t-il à rattraper le retard par rapport à ses camarades ? Son arrivée tonitruante à Poudlard, son statut de petit nouveau et la quête extra-scolaire qui va finir par l'emporter font de votre personnage un nouveau Harry Potter. Ce sont les mêmes ficelles narratives très efficaces qui sont mises en place. Le tout fonctionne à grand renfort d'une nostalgie toujours puissante. On a l'impression de contempler le tome 0 de la saga culte.
Tome 0, car Hogwarts Legacy ne déroule bien avant l'arrivée de Harry Potter dans l'école. Vous ne retrouverez aucun des personnages des livres ou des films. Certains patronymes vous paraîtront familiers naturellement, mais il ne s'agit pas d'un préquel comme peuvent l'être les films Les Animaux Fantastiques qui nous racontent la jeunesse du fameux Albus Dumbledore incarné par Jude Law. Cette fois, vous êtes un jeune sorcier du XIXe siècle, un cadre historique qui permet de jouer avec les codes de la saga tout en offrant aux scénaristes une liberté créative bienvenue.
Car oui, l'écrivaine J.K. Rowling n'a pas créé l'intrigue de ce jeu, elle ne reste qu'une figure titulaire lointaine. Une bénédiction pour le studio puisque l'Écossaise est devenue radioactive ces dernières années. Ses prises de position envers les personnes trans, ouvertement sur les réseaux sociaux ou plus discrètement dans ses récents romans policiers par exemple, ont créé un schisme brutal au sein de la communauté des fans de son univers magique. Pour de nombreuses personnes trans et leurs alliés, acheter le jeu Hogwarts Legacy, des romans, des places de cinéma pour Les Animaux fantastiques ou quelques goodies estampillés "Harry Potter" viennent enrichir l'autrice et renforcer ses actions et sa rhétorique transphobes. Pour affaiblir la richissime et très influente J.K. Rowling, ces anciens fans désenchantés appellent à la boycotter.
Comme dans chaque bataille politique, diverses factions se forment. À chacune ses méthodes, ses motivations. Certains optent pour une lutte radicale : ils n'achèteront pas le jeu et feront une mauvaise publicité à celui-ci. Certains dévoilent des spoilers sur la fin du jeu sur les réseaux sociaux pour ruiner le plaisir des consommateurs, conscients ou non du débat, dans l'espoir d'éteindre les envies d'achat. D'autres promettent de pirater le jeu ou de l'acheter d'occasion dans quelques mois afin que leur achat en seconde main ne viennent pas grossir les ventes et le compte en banque de J.K Rowling. D'autres choisissent de ne pas parler du jeu et d'ignorer cet univers en tirant un trait définitif sur une saga devenue irrémédiablement amère.
En face, d'autres fans ne veulent pas voir leur envie de jouer à un jeu résumée à un soutien à une transphobe notoire. Ils "séparent l'œuvre de l'artiste", comme le veut l'expression consacrée. Ils condamnent les prises de position de J.K. Rowling, mais refusent de jeter à la poubelle un univers qui fut le refuge de leur enfance. Un univers bienveillant et divers où les notions d'amour et de tolérance étaient érigées face à l'obscurantisme ou la bigoterie. Ils veulent se réapproprier le monde de Harry Potter, le façonner et Hogwarts Legacy est un terrain de jeu idéal pour cela. C'est d'ailleurs cette voie qu'a emprunté le studio Avalanche dans son jeu en permettant par exemple à certains personnages trans d'exister dans Hogwarts Legacy. La binarité reste hégémonique, mais ces clins d'œil permettent au jeu de se protéger contre certains critiques.
Chaque détail du jeu comme les jeux de mots discutables sur les origines ou la sexualité des certains personnages secondaires (le couturier tient une boutique violette baptisée "Gaichiffon" par exemple...) sont moqués ou sévèrement critiqués. Une guerre rangée se livre sur les réseaux sociaux, amplifiant bien souvent la popularité du jeu dans la grande tradition de l'effet Streisand. Les gobelins qui sont en charge de la banque des sorciers sont-ils la trace d'un antisémitisme de J.K. Rowling ? Les elfes de maison viennent-ils justifier une forme d'esclavage ? Votre personnage ne peut pas être petit ou gros... Grossophobie du studio ? Les débats sociétaux surgissent comme s'ils avaient été touchés par le maléfice de Gemino, un sortilège qui duplique les objets à l'infini dans cet univers.
Il y a aussi une frange simplement provocatrice ou fondamentalement LGBTphobe du public qui se réjouit de ce débat et font la promotion du jeu pour le simple plaisir de marquer quelques points face à leurs ennemis idéologiques. Certains joueurs sont sûrs de leurs choix, pour ou contre, d'autres sont peu informés sur la question et d'autres enfin sont dans un dilemme certain. La conscience de chacun sera déterminante.
Pour celles et ceux qui veulent savoir ce que le jeu réserve, disons-le clairement : Hogwarts Legacy est un bon jeu, très plaisant, vaste et vivant. Il s'agit d'un monde ouvert qui vous permet de vivre la vie d'un étudiant à Poudlard, de visiter un château labyrinthique sublime et les alentours de l'école : le hameau de Pré-au-Lard, la forêt noire, le lac et quelques zones bien connues des lecteurs que nous garderons secrètes ici.
Vous apprendrez des sortilèges, aiderez vos petits camarades, volerez sur un balai. Vous serez intégrés dans une maison (de votre choix, on vous rassure tout de suite), vous choisirez votre baguette (à moins que vous ne préfèreriez qu'elle vous choisisse)... Tous les fantasmes des fans de la franchise peuvent être réalisés. C'est là la grande force de ce jeu. Le monde est cohérent, coloré, joyeux et bienveillant souvent, mais parfois sombre et terrifiant. L'aventure, assez linéaire, se vit comme un film. Les fans des huit longs métrages retrouveront d'ailleurs des lieux qu'ils connaissent bien. Avalanche a fait exprès de reprendre tous les détails cinématographiques pour permettre aux joueurs de se plonger dans Poudlard avec facilité. Objets, notions, musiques... Tout est là pour permettre un grand voyage.
Du côté du gameplay, Hogwarts Legacy ne réinvente pas la roue. Il s'agit d'un monde ouvert on ne peut plus classique avec ses menus un peu bordéliques, ces missions par dizaines que l'on oublie, sa carte géante, ses téléporteurs... il est dommage que le jeu n'oblige pas ses joueurs à se perdre plus et s'approprier les lieux comme dans un Elden Ring par exemple. Vous devrez faire évoluer votre personnage en montant de niveau et en acquérant des sorts et un équipement toujours plus rare. Le jeu mêle des combats dynamiques (parfois répétitifs), puzzles (simples, mais plaisants) et jeu de rôle.
Sur ce dernier aspect, on peut regretter que le jeu ne permette pas totalement d'emprunter des voies radicalement différentes à la façon d'un Baldur's Gate. Les joueurs resteront sur des rails pendant une bonne partie du jeu et la rejouabilité, si elle existe, reste assez limitée selon nous. Les fans hardcore se feront un plaisir de créer au moins 4 personnages pour vivre la vie d'un Serpentard, d'un Gryffondor, Serdaigle ou Poufsouffle au moins une fois. Mais beaucoup se contenteront de construire une seule destinée.
La version française du jeu est de très bonne facture, les visages des personnages sont souvent bien modélisés et c'est un plaisir de jouer à ce jeu sur une console nouvelle génération. Les personnages disposent en général de doubleurs de qualité (sauf quelques personnages secondaires qui ont des voix qui ne correspondent pas à leur âge). La quête principale vous tiendra en haleine pendant une trentaine d'heures mais il sera tout à fait possible d'augmenter cette durée de vie pendant des dizaines d'heures supplémentaire. Les quêtes secondaires ou le simple plaisir de se perdre dans les couloirs, de collectionner des artefacts invisibles ou de voler à dos d'hippogriffe. Seule ombre au tableau : vous ne jouerez pas au Quidditch...
Outre cette déconvenue, Hogwarts Legacy est, de loin, le plus charmant, immersif et abouti jeu Harry Potter jamais créé. Les chiffres de vente et le nombre de joueurs qui jouent en direct sur Twitch au titre démontrent l'attente d'un public en manque de magie "potteresque". Les fans de l'univers devraient être happés (s'ils le décident) par ce mode ouvert merveilleux. Est-ce le jeu de l'année ? Le monde le plus inventif ? Le système de combat le plus explosif ? Non. Mais la recette de cette potion est équilibrée et elle a le bon goût de notre enfance.
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