Si la série Euphoria est une expérience brutale et hallucinante, Sex Education un cocktail coloré et parfois amer, Heartstopper est une réconfortante tasse de thé sucrée au miel. La nouvelle série "teen" de Netflix est probablement la création la plus réconfortante de cette année à la télévision, une histoire d'amour tendre et émouvante entre deux adolescents, adaptation d'un très populaire roman graphique.
C'est l'autrice et illustratrice de 27 ans britannique Alice Oseman qui est à l'origine de cette histoire qui a conquis le coeur des lecteurs anglo-saxons avant de séduire le monde. Cette série suit la relation amoureuse balbutiante entre Charlie Spring et Nick Nelson. Une histoire d'amour entre un ado ouvertement gay et pas vraiment populaire mais entouré par une famille et des amis aimants et le garçon le plus sportif du lycée qui va découvrir sa bisexualité.
Contrairement à d'autres récits du genre, le coming-out de ces adolescents n'est pas au coeur de leurs tourments et de l'intrigue. L'orientation sexuelle est un élément parmi d'autres. Le poids de la discrétion sur le couple, la violence et le harcèlement sont évoqués mais Heartstopper ne propose pas une vision dramatique. Vous ne trouverez pas ici les traditionnels items qui accompagnent souvent ces histoires : du sexe, des injures, le rejet familial, la pression religieuse... Heartstopper propose un monde plus lumineux et peut-être plus en phase avec la réalité de la jeunesse britannique d'aujourd'hui. Une jeunesse qui doit toujours faire face à l'homophobie de la société mais qui a considérablement avancé et appris.
Heartstopper travaille très subtilement la question des microagressions du quotidien que subissent encore aujourd'hui les personnes LGBTQ+, y compris dans des environnements "friendly". Curiosité mal placée, méconnaissance, peurs intériorisées, mémoire traumatique... Tout cela est traité avec beaucoup de doigté par les scénaristes.
Mais ne percevoir Heartstopper que par le prisme sociétal serait passer complètement à côté de l'âme de la série. Heartstopper est avant tout une histoire d'amour. Elle est douce et charmante sans être "gnangnan", forte aussi et elle ne repose pas sur trop de dramatisations ce qui lui permet de rester crédible et de parler directement au public. Joe Locke, qui incarne le personnage principal, est un plaisir à découvrir. Kit Connor qui joue la petite star locale du rugby, Nick, irradie de charme. Son rôle, à des années-lumière du sportif refoulé qui en ferait des caisses pour cacher ses peurs, est particulièrement rafraîchissant. Douceur, sourire, calme, loyauté... Les téléspectateurs ne peuvent faire autrement que de tomber amoureux du jeune homme.
Même si elle n'a que peu de scènes dans cette première saison, nous devons absolument vous parler de celle qui incarne la mère de Nick, l'actrice multi-récompensée Olivia Colman (The Crown, La Favorite, The Father) qui est toujours d'une incroyable justesse. La relation entre les parents (presque systématiquement bienveillants) et leurs ados un peu perdus est aussi un angle nouveau et relativement peu travaillé dans ces séries.
Enfin, l'autre élément fort de cette série en 8 épisodes est la description des dynamiques d'un groupe d'amis, d'un lycée, quand les hormones commencent à faire leur travail. Conflits de loyauté, jalousies, incompréhensions... Les liens qui unissent tous les personnages sont aussi importants (voire plus importants) que l'histoire d'amour entre Nick et Charlie. Tao, Elle, Tara, Darcy, Issac dépassent complètement leurs étiquettes de personnages lesbiens, trans, pansexuels ou autres... Heartstopper propose un arc-en-ciel de personnages sans se restreindre à n'être qu'une œuvre purement militante ou communautaire. Heartstopper est fièrement "queer" mais surtout profondément universelle. C'est aussi une série qui fait du bien, qui montre le chemin parcouru (et celui à parcourir), une série que beaucoup de spectateurs plus âgés auraient bien aimé découvrir lorsqu'ils avaient l'âge de ses héros.
Il reste d'ailleurs, à la fin de cette saison 1, de nombreux personnages à explorer. Puisque la saison 1 connaît un très beau démarrage, il ne serait pas étonnant qu'une suite soit dans les tuyaux. Alice Oseman a dévoilé qu'elle pensait