Avez-vous entendu parler du film Ni juge, ni soumise ? Il s’agit d'un documentaire formidable, aussi drôle qu’instructif, aussi dramatique qu’étonnant, réalisé par l’équipe qui a proposé pendant des années à la télévision publique la fabuleuse émission de reportages Strip-Tease. Jean Libon et Yves Hinant, les auteurs, ont cette fois suivi une juge d’instruction. Mais quel personnage. Et quel métier.
Face aux prévenus ou aux témoins les plus délirants, elle garde un calme olympien, non sans proposer à l’un de le plaquer elle-même au sol, signifier à un autre qu’il coûterait moins cher à la société s’il se décidait à mourir tout de suite, ou s’émerveiller de l’équilibre mental d’une péripatéticienne qui a trouvé dans le sado-masochisme un débouché plus tranquille à ses talents que la pratique ordinaire de la prostitution de base.
Cependant, une erreur de langage doit être signalée. Vers la fin du film, la juge interroge une jeune femme "folle comme un cheval", comme on le dit en Italie, qui vient d’assassiner son petit garçon qu’elle prenait pour le fils du diable, si j’ai bien compris. Entre autres délires, la prévenue explique qu’elle a vu la lune se briser et tomber du ciel plusieurs fois, et elle prononce cette phrase : "après que la lune est tombée".
Une formulation tout à fait juste. Et justement, j’étais sciée, moi, que cette femme totalement à l’ouest ne se soit pas trompée sur le mode de la phrase, car rares sont les francophones qui ne commettent pas cette erreur. Beaucoup de gens croient bien faire en utilisant le subjonctif... y compris la juge, pourtant fine lettrée qui s’exprime parfaitement, bien entendu.
Elle laissait dire à la mère infanticide toutes les folies qui lui passaient par la tête, mais l’a reprise sur cette seule formulation en disant : "On dit : après que la lune SOIT tombée", ce que la pauvre dame a dûment répété tandis que je bouillais dans mon fauteuil. Je ne pouvais pas laisser passer ça.
Précisons-le donc : "avant que", qui implique une notion d’éventualité, d’action encore à venir, envisagée, est donc suivi du mode subjonctif. À l'inverse "après que", marquant un fait accompli, est suivi d’un indicatif. "Avant que la lune soit tombée", mais "après que la lune est tombée". En attendant, courez voir ce film magnifique avant qu’il ne soit plus à l’affiche, histoire de ne pas le regretter après qu’il aura quitté l’affiche.
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