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Le Conseil d'État juge illégal le blocage de TikTok en Nouvelle-Calédonie mais valide son principe

La plus haute juridiction administrative du pays a estimé que le blocage du réseau social chinois pendant les émeutes de mai 2024 en Nouvelle-Calédonie était abusif car le gouvernement n'avait pas déterminé de délai de fin. L'instance estime toutefois que la mesure était justifiée dans son principe et crée un précédent jugé dangereux par les associations.

Logo de l'application TikTok.
Crédit : DENIS CHARLET / AFP
Benjamin Hue
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La décision était très attendue par les défenseurs des libertés publiques. Dix mois après le blocage de TikTok en Nouvelle-Calédonie ordonné par le gouvernement de Gabriel Attal dans le cadre des émeutes qui ont ébranlé l'archipel, le Conseil d'État a jugé cette décision illégale dans un avis rendu ce mardi 1er avril. La plus haute juridiction administrative du pays a estimé que le blocage de la plateforme pendant deux semaines en mai 2024 avait "porté une atteinte disproportionnée aux droits et libertés invoquées par les requérants". Les juges administratifs valident cependant le principe de la décision et créent un précédent jugé dangereux par les associations qui mettent en garde contre de futures dérives.

À l'époque, les autorités avaient expliqué que TikTok était l'un des vecteurs de communication privilégiés des émeutiers qui s'opposaient à une réforme du corps électoral local, sur fond d'inquiétudes liées à de possibles ingérences de l'Azerbaïdjan. Les services du Premier ministre Gabriel Attal avaient ordonné le 15 mai à l'office des postes et des télécommunications de bloquer l'accès à l'application chinoise pour les néo-calédoniens le temps du retour au calme. Le gouvernement avait justifié la mesure en invoquant la loi du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence et la théorie des "circonstances exceptionnelles". Le blocage avait finalement été levé le 29 mai après deux semaines.

Le blocage d'un des principaux réseaux sociaux sur le territoire national constituait une mesure inédite en France et en Europe, plutôt réservée aux États autoritaires jusqu'ici. La décision avait été vivement critiquée par les défenseurs des droits, jusque dans les rangs de la majorité. L'association la Quadrature du Net et la Ligue des droits de l'Homme avaient porté le sujet devant le Conseil d'État estimant que la mesure portait une atteinte grave aux libertés de communication et d'information. 

Le gouvernement n'a pas respecté les trois conditions requises

Dans un communiqué, les Sages ont donné raison à l'association, considérant qu'un tel blocage ne pouvait être légal "en cas de circonstances exceptionnelles", qu'à condition de répondre à trois critères.

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- la mesure de blocage doit être indispensable pour faire face à des événements d'une particulière gravité ;
- il n'existe pas de moyen technique permettant de prendre immédiatement des mesures alternatives moins attentatoires aux droits et libertés ;
- le blocage doit être pris pour une durée limitée nécessaire à la recherche et la mise en place de ces mesures alternatives.

Les juges ont estimé que les deux premiers critères ont bien été respectés. "La situation en Nouvelle-Calédonie, marquée notamment par des émeutes d’une très grande violence ayant entraîné plusieurs décès et, de façon générale, des atteintes aux personnes et aux biens d’une particulière gravité, constituait bien des circonstances exceptionnelles", indique le Conseil d'État. Aussi, "le Premier ministre, constatant le rôle joué par l’utilisation du réseau social TikTok dans la propagation rapide de ces troubles, compte tenu des algorithmes auxquels recourt ce réseau, était en droit, en l’absence d’autres moyens techniques immédiatement disponibles, d’édicter une mesure d’interruption provisoire d’accès à ce service", précise le communiqué. 

Toutefois, la troisième condition, relative à la durée limitée du blocage, n'a pas été remplie, estiment les Sages. "Une telle mesure ne pouvait cependant être légalement prise qu’à la condition que sa durée soit fixée dès le départ comme étant celle nécessaire à la recherche et à la mise en œuvre (...) de mesures alternatives autres que l’interruption pure et simple", écrit le Conseil d'État. "Or, le Premier ministre a décidé une interruption totale du service pour une durée indéterminée liée à la seule persistance des troubles à l’ordre public, sans subordonner son maintien à l’impossibilité de mettre en œuvre des mesures alternatives".

Un précédent jugé dangereux pour l'avenir

Par cette décision, le Conseil d'État valide également pour la première fois le fait que le gouvernement est bien autorisé à interrompre le fonctionnement d'un réseau social en cas de circonstances exceptionnelles sous certaines conditions. Un précédent jugé dangereux par les défenseurs des libertés qui redoutent de voir des gouvernements futurs s'inspirer de cette jurisprudence pour bloquer des réseaux sociaux en cas de troubles. 

"C'est une victoire à la Pyrrhus car, même si elle est précieuse pour les libertés en des temps dégradés, elle entérine surtout le principe d'une suspension d'un réseau social en cas de circonstances exceptionnelles", a réagi auprès de l'AFP l'avocat Vincent Brengarth, qui représente les trois particuliers ayant saisi le Conseil d'État aux côtés des associations la Ligue des droits de l'Homme (LDH) et la Quadrature du Net.

"Le raisonnement du Conseil d'Etat est menaçant pour l'avenir", a commenté de son côté l'avocat Patrice Spinosi, conseil de la LDH. "Un gouvernement populiste pourra s'inspirer de cette décision en la détournant pour adopter des mesures restreignant les libertés de l'ensemble des citoyens en se bornant à invoquer des 'circonstances exceptionnelles'", a-t-il mis en garde.

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