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Des députés de la majorité réclament à nouveau la fin de "l'anonymat en ligne"

Six mois après une première tentative, le député Renaissance Paul Midy sonne à nouveau la mobilisation contre "le sentiment d'impunité" sur les réseaux sociaux et appelle à lier les comptes des internautes sur les plateformes à une identité vérifiée. Une proposition jugée démagogique et inefficace par les experts du numérique.

Des réseaux sociaux installés sur un smartphone (image d'illustration).

Crédit : Unsplash

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Benjamin Hue

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Paul Midy revient à la charge contre "le sentiment d'impunité" sur les réseaux sociaux. Six mois après avoir tenté, en vain, de faire passer des amendements visant à "mettre fin au sentiment d'anonymat" en ligne dans le cadre de l'examen du projet de loi sur le numérique, le député Renaissance appelle à nouveau à rendre obligatoire la vérification de l'identité des internautes sur les plateformes, alors que l'examen du texte en commission mixte paritaire doit débuter mardi 26 mars. 

Dans une tribune signée par une coalition de 125 députés de la majorité (dont Olivier Véran, Clément Beaune, Damien Abad ou Karl Olive) publiée dimanche 24 mars par La Tribune, le député de l'Essonne, également rapporteur du projet de loi numérique, réclame l'interdiction de l'anonymat vis-à-vis des autorités lorsqu'un crime ou un délit est commis en ligne. Pour ce faire, l'élu propose que chaque compte sur les plateforme soit lié à une identité numérique vérifiée, inaccessible par le réseau social, mais accessible des autorités le cas échéant.

"Commençons par appliquer les mêmes règles dans l'espace numérique que dans la vie physique. Il faut, bien sûr, autoriser le pseudonymat, c'est-à-dire l'anonymat entre usagers, mais il ne faut pas permettre l'anonymat vis-à-vis des autorités de police ou de justice, lorsqu'on commet un délit ou un crime grave", explique ainsi Paul Midy.

Pour appuyer son propos, le député assure que "87% des Français sont favorables à la levée de l'anonymat en ligne et 81% accepteraient que leur identité soit vérifiée", d'après les résultats d'un sondage Harris-Acsel. "Ce plébiscite valide l'intuition que nous avons eue avec près de 200 députés de la majorité présidentielle et la proposition que nous avons portée lors de l'examen du projet de loi numérique à l'Assemblée nationale à l'automne dernier", écrit-il. 

Le gouvernement opposé à une vérification obligatoire de l'identité des internautes

À l'époque, le gouvernement n'avait pas souhaité défendre les amendements de Paul Midy. Le ministre délégué au Numérique, Jean-Noël Barrot, s'était opposé à l'idée du caractère obligatoire de la vérification, jugeant la disposition contraire au droit européen qui prime sur les obligations sur les plateformes, tout en ouvrant la porte à la possibilité d'obliger les plateformes à proposer une certification d'identité aux internautes basée sur le volontariat.

Sa successeure au secrétariat d'État au Numérique, Marina Ferrari, n'entend pas dévier de cette ligne. "La position du gouvernement n'a pas changé", assure son cabinet à RTL. "Il existe de nombreuses possibilités de renforcer la certification des identités numériques en ligne sans nécessairement mettre en œuvre une obligation généralisée qui comporte un risque de traçabilité de l’opinion et de l’expression de chaque citoyen". 

Pour l'entourage de Marina Ferrari, il apparaît "davantage souhaitable d’aller plutôt vers un modèle où les plateformes doivent proposer une certification à ceux qui la souhaitent, ainsi que la faculté de n’être entouré que de personnes qui ont elles-mêmes laissé en dépôt une pièce d’identité au moment de leur inscription sans empêcher ceux qui refusent de se faire certifier d’évoluer sur les réseaux sociaux". Des pistes qui devront respecter le cadre européen en s'appuyant sur le Digital Services Act (DSA).

L'anonymat n'existe pas en ligne

Comme l'automne dernier, la proposition de Paul Midy est très critiquée par les professionnels du numérique sur les réseaux sociaux. Pour ses détracteurs, la mesure est inutile car la justice a déjà les capacités de retrouver les auteurs de cyberharcèlement. Elle aurait aussi l'inconvénient de porter atteinte à la protection des lanceurs d'alerte et aux personnes soumises à un devoir de réserve, en plus de prêter le flanc à d'éventuels piratages, en poussant les plateformes à conserver de nouvelles bases de données sensibles relatives à l'identité de leurs usagers.

L'opposition se fait entendre jusque dans les rangs de la majorité. Le député Renaissance des Côtes-d'Armor Eric Bothorel spécialiste des sujets liés au numérique, a notamment dénoncé sur X "une idée stupide, dangereuse, inefficace et démagogique". "Plutôt qu’une obligation systémique réductrice de libertés, encourageons les plateformes à proposer la certification de comptes, et libre à chacun demain de n’avoir d’interrelations qu’avec des comptes de confiance", a-t-il souligné. "C'est fatiguant. On a déjà eu le débat 2 fois en hémicycle, des explications techniques, juridiques et politiques de tous bords et la réponse est toujours la même, il n'y pas d'anonymat en ligne", a également déploré le député de Vendée Philippe Latombe

En l'état, si les internautes peuvent évoluer sous pseudonyme, de façon à masquer leur identité aux autres utilisateurs des plateformes, ils ne sont pas anonymes aux yeux des autorités, qui peuvent les identifier dans le cadre de leurs enquêtes. La loi pour la confiance dans l'économie numérique de 2004 oblige les fournisseurs d’accès internet, les hébergeurs et les VPN à conserver les données de nature à permettre l’identification de quiconque et à répondre aux requêtes judiciaires des autorités. Le 19 mars, 28 personnes ont ainsi été reconnues coupables de cyberharcèlement vis-à-vis de Magali Berdah. Elles évoluaient toutes sous pseudo et ont pu être identifiées avec la collaboration d'Instagram, X (Twitter), Orange, Bouygues, Free et SFR qui ont transmis des informations sur les lignes téléphoniques, les adresses mails et les adresses IP rattachées à leurs comptes.

De l'avis des experts et des professionnels, la loi actuelle est suffisante pour poursuivre les auteurs de messages malveillants, même lorsqu'ils évoluent sous pseudonyme. La problématique se situe plutôt dans la collaboration des plateformes, car tous les réseaux sociaux ne jouent pas toujours le jeu, et les ressources insuffisantes allouées aux policiers et à la Justice pour mener leurs enquêtes. 

Un choix par défaut sur les grandes plateformes ?

Sollicité par RTL pour réagir aux critiques soulevées par la tribune, Paul Midy précise que "pour beaucoup, les gens qui émettent des avis négatifs n'ont pas compris notre proposition". "On est bien sûr pour le pseudonymat, mais contre l'anonymat vis-à-vis des autorités en cas de comportement illégal, assure-t-il. Dans 50% des cas, c'est compliqué, voire impossible de retrouver les auteurs de messages. On propose donc le même principe que la plaque d'immatriculation. L'Etat ne vous suit pas pour savoir ce que vous faites au quotidien, uniquement pour savoir qui vous êtes quand vous faites quelque chose d'illégal". 

Le député admet que le concept de "fin de l'anonymat" évoqué dans la tribune est "très réducteur". Mais l'objectif, selon lui, est plutôt de traiter le sujet du "sentiment d'anonymat". "Soit on se dit que l'on continue à faire la même chose que depuis des années, à savoir expliquer des sujets techniques aux Français, comme l'adresse IP, soit on fait comme dans la vraie vie et on met en place un moyen simple d'identifier les personnes sur les grandes plateformes comme c'est le cas dans l'espace public", résume-t-il. 

Paul Midy souligne qu'il n'agit pas dans une démarche de "prescripteur" mais qu'il entend "poser un principe politique" dans "son rôle de député". "J'avais moi-même proposé plusieurs étages à la fusée" lors de l'examen de la loi numérique l'automne dernier, relève-t-il, précisant que "l'idée n'est pas tant d'avoir une vérification obligatoire pour tous les réseaux sociaux, mais que ce soit la modalité par défaut sur les plus grandes plateformes, et qu'on puisse en sortir seulement en connaissance de cause pour accéder à des contenus non vérifiés". Charge désormais à la candidate Renew Europe pour les élections européennes Valérie Hayer de s'emparer, ou non, du sujet dans les prochaines semaines.

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